VIH : Adolescents.es et jeunes adultes, une population particulièrement à risque

Mardi 23 janvier 2024
VIH
Introduction
Si des progrès en matière de diagnostic, de mise sous traitement et de suppression de la charge virale chez les personnes vivant avec le VIH sont observés, la situation reste particulièrement préoccupante chez les plus jeunes, ce que confirme une étude réalisée par Epicentre dans 5 contextes d’Afrique de l’Est et Australe. D’où la nécessité de concentrer davantage la lutte contre le VIH sur cette population et développer des actions ciblées.
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Adolescents et VIH ; Afrique du Sud
Corps éditorial

De 2012 à 2016, Médecins Sans Frontières (MSF), en collaboration avec les ministères de la Santé, a mené 5 grandes enquêtes de populations autour du VIH dans 4 pays d'Afrique où la prévalence du VIH est élevée et où des programmes de lutte contre le VIH sont mis en œuvre depuis longtemps : à Ndhiwa au Kenya, KwaZulu-Natal en Afrique du Sud, Chiradzulu et Nsanje au Malawi et Gutu au Zimbabwe. Chaque participant âgé de 15 à 59 de la région concernée et ayant été sélectionné de manière aléatoire était interviewé et bénéficiait d’un test rapide de dépistage du VIH. Si celui-ci était positif, d'autres analyses sanguines étaient effectuées pour mesurer notamment le niveau de CD4 et la charge virale dans le sang, cette mesure étant un indicateur clé du succès thérapeutique. Au total, 28 813 personnes ont été incluses.

Les premières parties des analyses ont permis d’évaluer où en étaient ces populations par rapport aux objectifs de l'ONUSIDA, qui étaient 90-90-90 pour la période considérée : 90 % des personnes vivant avec le VIH qui connaissent leur statut VIH, 90 % de ces personnes qui ont accès à un traitement antirétroviral (ARV), et 90 % des personnes sous ARV qui ont leur charge virale supprimée. Les objectifs actuels sont de 95-95-95. Tout âge confondu dans les cohortes de ces 5 contextes d’Afrique de l’Est et Australe, 73 % de personnes vivant avec le VIH étaient diagnostiquées, 79 % des personnes diagnostiquées étaient sous traitement ARV et 88 % des personnes sous ARV avaient leur charge virale durablement supprimée.

« Si on regarde la population générale, aucun des indicateurs de l’ONUSIDA n’était donc atteint en 2016, mais nous avons voulu aller un peu plus loin et évaluer par groupe d'âge et par sexe la couverture du diagnostic et du traitement du VIH, » explique Jihane Ben Farhat, épidémiologiste à Epicentre, co-responsable de l’étude. Et les résultats mettent en évidence d’importantes disparités en fonction de l’âge. »

Adolescents.es et jeunes adultes : une population sous diagnostiquée et moins souvent sous traitement

La proportion de personnes non diagnostiquées augmente chez les plus jeunes : seul 1 adolescent ou jeune adulte sur 2 vivant avec le VIH est diagnostiqué alors que chez les 45-54 ans, ils sont plus de 8 sur 10. Et seulement 60 % des adolescents et jeunes adultes diagnostiqués sont sous traitement antirétroviral. Quant à la couverture thérapeutique, elle semble également moins bonne avec moins de 78 % des 15-25 ans sous traitement ayant une charge virale supprimée (inférieur à 1,000 copies/mL) contre 92 % chez les 45-59 ans.

« Alors que les objectifs 90-90-90 de l’ONUSIDA sont atteints ou en phase de l’être chez les plus de 35 ans, c’est loin d’être le cas dans la population plus jeune. » note Helena Huerga, épidémiologiste à Epicentre, co-responsable de l’étude.

Au total seul 1 adolescent ou jeune adulte sur 3 vivant avec le VIH a une charge virale supprimée (inférieur à 1,000 copies/mL). Ces résultats amènent à questionner la pertinence et l’adéquation de l’ensemble des étapes de la prise en charge, du dépistage au bon suivi en passant par la mise sous traitement et l’accès aux différents tests biologiques, vis-à-vis de cette tranche d’âge.  

Un effet accentué chez les adolescentes et les jeunes femmes

Tout âge confondu, bien que les hommes soient plus souvent sous diagnostiqués, on n’observe pas de différence en termes de couverture thérapeutique et de suppression de la charge virale entre les deux genres. Si on se focalise sur la tranche d’âge des 15-24 ans, 42 % des adolescentes et des jeunes femmes et 23% d’adolescents et de jeunes hommes diagnostiqués n’étaient pas sous traitement. Et 1 femme de 15 à 24 ans sur 4 et presque 1 homme sur 10 avaient une charge virale supérieure à 1000 copies/mL, bien qu’ils soient sous traitement.  « L’un des défis est aujourd’hui d’améliorer l’initiation du traitement au sein de ces populations puis sa bonne observance, ce qui est nécessaire pour atteindre une charge virale indétectable, » conclut Jihane Ben-Farhat.

Priorité aux adolescents.es et jeunes adultes

Parmi les facteurs expliquant le sous diagnostic figurent la stigmatisation, mais aussi un plus faible recours aux centres de santé pour les hommes et l’impact en termes de d’acceptation du diagnostic et du traitement. Certains jeunes adultes préfèrent l'autodiagnostic, ce qui prouve que des solutions adaptées à l’âge existent et peuvent être mises en place. Mais cela nécessite que les systèmes de santé prévoient des dispositions spécifiques pour les adolescents.tes et les jeunes adultes, ce qui n’est guère le cas dans la plupart des pays. Après avoir bénéficié d’un suivi très rapproché dans les services pédiatriques, les jeunes basculent le plus souvent sans transition ni accompagnement vers des prestations de service dédiés aux adultes. En conséquence un certain nombre d’entre-eux sortent de la prise en charge. La mise en œuvre et l’évaluation d’interventions dédiées et adaptées à cette tranche d’âge, comme les "teens club" déployés par MSF au Malawi, semblent pouvoir limiter cette rupture avec les soins et améliorer le diagnostic, mais aussi l'engagement et le maintien dans le traitement et la prise en charge du VIH.

Ces stratégies doivent aussi intégrer les médias sociaux ou les jeunes pairs, fort prisés par cette population, et des actions de prévention afin de réduire le nombre de nouvelles infections. Il s’agit de fournir aux plus jeunes toute une gamme de services et d’informations adaptés à leurs besoins, dans des lieux dédiés, accueillants, confidentiels, faciles d’accès et financièrement abordables, où ils peuvent parler et échanger, sans paternalisme.

© Matthew Griffiths

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Adolescents and young adults are the most undiagnosed of HIV and virally unsuppressed in Eastern and Southern Africa: Pooled analyses from five population-based surveys.

Référence de l'article: PLOS global public health 2023 ; 3(12); . doi: 10.1371/journal.pgph.0002398. Epub 2023 12 22
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