La malnutrition

La malnutrition est un problème mondial aux conséquences importantes pour la vie, la santé, la croissance, et en général pour la productivité économique des individus et des sociétés. La malnutrition aiguë, caractérisée par une perte musculaire grave, est associée à un risque significativement accru de morbidité et de mortalité qui affecte 52 millions d'enfants de moins de cinq ans dans le monde. La malnutrition chronique, caractérisée par un retard de croissance (c'est-à-dire une croissance linéaire sous-optimale), est fortement associée à la mortalité, à l'immunodéficience et altère le développement cognitif ; elle touche 165 millions d'enfants dans le monde¹.

C’est un modèle de gestion communautaire communément appelé CMAM qui constitue la norme pour la prise en charge de la malnutrition aiguë². Axé sur les soins ambulatoires pour les cas non compliqués, le modèle CMAM s'est avéré à la fois cliniquement efficace (avec des taux de guérison élevés et une mortalité faible) et faisable sur le plan programmatique (il est rentable et les abandons restent en faible nombre). La situation n’est pas aussi simple pour le traitement et la prévention de la malnutrition chronique ; les risques de croissance linéaire sous-optimale peuvent apparaître in utero, ce qui suggère que les 1 000 premiers jours de vie (de la conception jusqu'au deuxième anniversaire de l'enfant) constituent une fenêtre critique pour assurer une prise en charge nutritionnelle efficace pour la mère et pour l’enfant³.

Le 2^ème objectif de développement durable de l'ONU propose une stratégie pour mettre fin à toutes les formes de malnutrition d'ici 2030. Epicentre s'est engagé dans la recherche visant à simplifier les procédures de traitement nutritionnel et à améliorer l'accès aux soins et ainsi lutter contre le fardeau mondial de la malnutrition.

L'étude MUAC 120 évalue les implications opérationnelles et les résultats nutritionnels d'un modèle de traitement de la malnutrition aiguë sévère non compliquée (MAS) qui se fonde sur la mesure de la circonférence du bras (MUAC) comme seul critère anthropométrique pour l’admission ou la sortie du traitement, contrairement au protocole standard qui associe à la fois l’indice MUAC et le poids pour définir le z-score de la taille. Cette étude, la première du genre au Niger, permettra de réunir de façon exhaustive des résultats pertinents pour évaluer au niveau opérationnel l’impact de l'utilisation du modèle MUAC seul pour la prise en charge de la MAS sans complications.

Epicentre a cherché à évaluer l'effet de l'utilisation non systématique d'antibiotiques pour le traitement de la MAS non compliquée dans un contexte opérationnel au moyen d’une étude prospective de cohorte. Epicentre comparé les résultats du traitement de 1776 enfants atteints de MAS ayant uniquement été traités avec des antibiotiques sur indication clinique, avec ceux de 6 185 enfants atteints de MAS qui ont systématiquement été traités à l'amoxicilline lors de leur admission au traitement nutritionnel.  Dans ce contexte opérationnel, les deux groupes n’ont présenté aucune différence dans le taux de récupération nutritionnelle.  Ces résultats suggèrent que l'utilisation systématique d'antibiotiques dans les programmes de nutrition à grande échelle peut ne pas être nécessaire dans l’ensemble des contextes pour maintenir des taux élevés de récupération nutritionnelle. Tout laisse à penser que l’utilisation systématique de l’antibiothérapie dans le traitement de la MAS est inutile, et pourrait favoriser l’émergence de résistance.

Du fait que la mortalité infantile reste importante en milieu hospitalier et plus particulièrement dans les milieux aux ressources limitées, l'étude Clean Kids vise à évaluer le risque d'infection nosocomiale et de multirésistance aux médicaments chez les enfants hospitalisés souffrant de malnutrition aiguë sévère. Les données sur l'incidence des infections associées aux soins de santé (IAS) sont rares et les décès attribuables à ces infections sont sous-déclarés ; on suppose toutefois que le fardeau des IAS est particulièrement élevé en Afrique subsaharienne en raison d'une mauvaise hygiène des mains, du manque d’accès à l’eau propre et de l’état de malnutrition des patients. L’étude décrit l'impact des IAS sur les enfants hospitalisés pour une MAS. Epicentre veut améliorer l'orientation opérationnelle et diriger la recherche vers de nouvelles voies pour l’avenir, l’objectif étant de réduire le risque de mortalité infantile et l'émergence d'une multirésistance aux médicaments associée aux IAS en renforçant le contrôle des infections, les pratiques d'hygiène et l’usage raisonné des antibiotiques. 

Cet essai en double aveugle contre témoin avec placebo, mené auprès de 2 412 enfants au Niger, avait pour objectif de déterminer si l'utilisation systématique d'antibiotiques devrait faire partie de la prise en charge de la MAS simple chez les enfants, étant donné qu’on dispose de peu de données factuelles sur son efficacité et sur le risque accru de résistance aux antibiotiques. Il n'y avait pas de différence significative entre les groupes quant au résultat principal, à savoir la récupération nutritionnelle à huit semaines, ce qui suggère que dans les milieux où les soins de santé primaires sont adéquats, les antibiotiques de routine n'apportent aucun avantage supplémentaire.

On estime que seulement 15 % des enfants atteints de MAS reçoivent un traitement chaque année.  Bien que la faible couverture des programmes s’explique par des raisons multiples, peu de recherches de qualité ont été effectuées sur de possibles modèles alternatifs de traitement qui renforceraient la prise en charge de la MAS sans complications chez les jeunes enfants. D'importantes lacunes subsistent dans la base des données factuelles, et notamment un manque d'information sur la faisabilité, l'acceptabilité, la sûreté et l'efficacité des modèles alternatifs permettant d’offrir ces traitements. Epicentre veut compléter la base de données factuelles. Nous menons actuellement un essai randomisé en cluster au Nigéria où 10 centres de santé ont été randomisés dans l'un ou l’autre des deux programmes de traitement : (1) visites hebdomadaires standard ou (2) visites mensuelles avec soutien aux soignants pour la surveillance à domicile. Cette étude vise à donner aux programmes une plus grande souplesse pour envisager des modèles de traitement plus innovants et pour élargir les opérations aux régions où le suivi hebdomadaire n'est pas possible.