Alerte Niger : informer précocement des risques épidémiques pour agir plus vite
Le maître mot en termes de réponse à une épidémie est la rapidité, et tout commence par la notification des cas suspects. Comment faire savoir qu’une petite fille est possiblement atteinte de rougeole, maladie extrêmement contagieuse, dans un village situé à plus de 3h de route du centre de santé le plus proche, puis vérifier si c’est bien le cas et lancer une réponse pour éviter la multiplication des cas ? Le programme « Alerte Niger » mis au point par Epicentre grâce à la fondation MSF améliore la remontée d’informations et l'exhaustivité des investigations. Il repose sur la mise en place d’une plateforme électronique en lieu et place des formulaires papier précédemment utilisés.
« Tout d’abord déployée pour la notification des cas de COVID-19 à la demande du ministère de la santé publique du Niger, cette plateforme en raison de son efficacité est désormais à l’étude dans la région de Maradi pour remonter les alertes de 3 maladies à déclaration obligatoire : la rougeole, la méningite et le choléra. Explique Robert Nsaibirni, coordinateur Data management et conformité à Epicentre. Elle permet la transmission en temps réel des informations au travers toute la pyramide sanitaire. »
Application, tablettes, téléphone au cœur de la réponse
Au niveau des aires de santé, des relais communautaires ont été équipés d’un téléphone avec en permanence du crédit, ce qui leur permet de notifier à tout moment un cas suspect de rougeole, méningite ou choléra au centre de santé référent le plus proche. A la réception du SMS, le personnel de ces centres intègre l’information dans l’application Alerte Niger à partir d’une tablette qui leur a été fournie. Ce système est conçu pour être facile à utiliser, léger et à faible consommation de bande passante ; il peut être utilisée hors ligne, une connexion internet ponctuelle n'étant nécessaire que pour transmettre les informations.
« Dès qu’un cas suspect de maladie à déclaration obligatoire est notifié, l’application indique au personnel du centre de santé les actions à mettre en œuvre. Il s’agit dans un premier temps d’envoyer une personne pour enquêter et éventuellement effectuer un prélèvement auprès de la personne malade, détaille Rahana Harouna Abarchi, épidémiologiste à Epicentre. Là où il fallait jusqu’à 2 semaines, un seul jour suffit pour mettre en place ce 1er niveau de la réponse. »
Ensuite si l’investigation confirme le risque, le niveau supérieur de la pyramide sanitaire est alerté grâce à des ordinateurs disposant du logiciel Alerte Niger avec un rappel des tâches à accomplir et ainsi de suite pour les niveaux sanitaires suivants.
« Mais l’information ne fait pas que monter, les différents maillons de la pyramide sont maintenus au courant. Il en est de même avec les échantillons prélevés qui sont suivis jusqu’au laboratoire et à l’obtention des résultats », précise Robert Nsaibirni.
Les districts sanitaires et la délégation régionale de la santé publique de Maradi peuvent ainsi suivre en temps-réels l’évolution des alertes et obtenir les données de surveillance directement implémentées par l’application alerte Niger
La phase pilote mise en place dans le district de Maradi montre que l’exhaustivité et la qualité des données sont nettement améliorées : seul 20% des données sont manquantes en utilisant la plateforme contre plus de 60% avant son introduction.
Une approche centrée sur les utilisateurs, simple et à faible coût
L’application a été conçue avec les différents utilisateurs en intégrant leurs remarques à tous les niveaux de la chaîne d’actions, ce qui facilite son appropriation. Elle s'intègre totalement au système de surveillance existant et ne nécessite que peu de ressources humaines supplémentaires. « En plus de l’utilité de la plateforme et de sa facilité d’utilisation, de nombreux utilisateurs indiquent que cette digitalisation leur a permis de gagner du temps qu’ils consacrent dorénavant à d’autres activités de santé publique », ajoute Rahana Harouna Abarchi.
L’application qui a été à la base développée par Medic s’adapte en outre facilement et peut désormais être transposable à d’autres maladies, lieux ou langues, grâce au soutien technique d’Epicentre.
Avec le système actuel basé sur le papier, il faut en général plusieurs semaines avant que le district, la région et le pays soient informés d'une nouvelle épidémie. Cela laisse le temps à l’épidémie de se propager, de causer de nombreux décès et rend d’autant plus difficile son contrôle. Aujourd’hui la phase pilote d’alerte Niger a démontré son efficacité. Elle est donc prête à être étendu dans d’autres régions ou pays et à d’autres maladies.