Tuberculose
Parmi les défis à relever figurent le sous-diagnostic, car de nombreuses personnes ignorent qu'elles sont atteintes de la maladie, et l'émergence de formes résistantes aux traitements.

La tuberculose (TB) est due à Mycobacterium tuberculosis, une bactérie qui affecte le plus souvent les poumons. Bien qu’elle puisse en grande partie être évitée et guérie, la tuberculose est devenue en 2015 la première cause de mortalité infectieuse dans le monde. 10,4 millions de personnes ont contracté la maladie en 2016 et 1,7 million en sont mortes (Rapport mondial sur la tuberculose, Organisation mondial de la Santé - OMS). Près d'un quart de la population mondiale souffre d'une infection tuberculeuse latente et peut développer la maladie ; en Afrique subsaharienne, le fardeau de la tuberculose est principalement dû à l'épidémie de VIH.
On dit que la tuberculose est une maladie de la pauvreté car 95 % des décès qui lui sont imputables surviennent dans les pays à revenu faible ou intermédiaire, et frappent plus particulièrement les enfants, les personnes infectées par le VIH, les personnes souffrant de malnutrition et les détenus. L'explication donnée à cette situation serait un accès insuffisant à un diagnostic et à un traitement adéquat ou des résultats insuffisants avec le traitement proposé. En outre, l'émergence d'une résistance à deux des principaux médicaments antituberculeux, l'isoniazide et la rifampicine, qui a fait apparaître la tuberculose multirésistante (MDRTB), constitue un problème majeur pour la lutte contre la tuberculose.
Est-ce que les nouveaux traitements sont efficaces chez les populations vulnérables ?

Des progrès ont été réalisés ces dernières années dans le diagnostic et le traitement de la tuberculose, mais les nouveaux tests et schémas thérapeutiques n'ont pas tous fait l’objet d’évaluations auprès des populations susceptibles d’en bénéficier le plus. Epicentre travaille avec Médecins Sans Frontières (MSF) pour mesurer l'importance de la maladie chez les populations vulnérables et évaluer la mise en œuvre de nouveaux médicaments, de nouveaux protocoles, de nouveaux tests diagnostique, et de nouvelles stratégies de prise en charge.
Un diagnostic toujours difficile

Le diagnostic de la tuberculose reste un défi dans les contextes où les ressources sont limitées, en particulier chez les enfants et les patients infectés par le VIH à un stade avancé.
Epicentre a mené plusieurs études observationnelles sur la précision, la valeur diagnostique, le rapport coût-efficacité et la faisabilité de l'utilisation du test de dépistage urinaire Determine TB-LAM (commercialisé par Alere/Abbott), chez des patients infectés par le VIH au Kenya, au Mozambique, au Malawi et en RDC. Le même test a également été évalué chez des enfants souffrant de malnutrition sévère au Niger et chez des enfants gravement malades en Ouganda. Le test s'est avéré avoir une sensibilité modeste, mais une valeur diagnostique importante pour la tuberculose chez les patients séropositifs. Il est également possible de le mettre en œuvre dans des environnements à faibles ressources et à un coût abordable.
Epicentre mène actuellement une étude pour évaluer un nouveau test urinaire TB-LAM (non encore commercialisé), le FujiLAM, chez des adultes séropositifs. Financée par l'Agence nationale française de recherche sur le sida et les hépatites virales (ANRS) et MSF, l'étude se déroule dans quatre sites à forte prévalence du VIH et de tuberculose : Ouganda, Kenya, Mozambique et Afrique du Sud. Les premiers résultats indiquent une sensibilité élevée du test FujiLAM chez les patients tuberculeux séropositifs, supérieure à celle observée avec le test Determine TB-LAM, actuellement recommandé. Le test FujiLAM est également facile à mettre en œuvre et bien accepté par les utilisateurs et par les patients.
De nouvelle approches thérapeutiques
TB-speed : diagnostiquer pour stopper la tuberculose chez l'enfant
Malgré les efforts déployés, la tuberculose reste l'une des principales causes de décès chez les enfants de moins de 5 ans. Environ 1,2 million de nouveaux cas ont été diagnostiqués dans le monde en 2018 et on estimait à 230 000 le nombre de décès en 2019. En 2020, 1,1 million d'enfants ont contracté la tuberculose dans le monde.
Une majorité de ces enfants meurent sans avoir accès à un traitement et le plus souvent, parce qu'ils n'ont pas été diagnostiqués. Le projet TB-Speed coordonné par l'Université de Bordeaux vise à réduire la mortalité infantile. Epicentre, à travers son centre de recherche de Mbarara en Ouganda, est l'un des partenaires techniques de l'étude.
L'un des objectifs du projet TB-speed est de remédier à l'absence de test de diagnostic rapide, efficace et facile à utiliser pour la tuberculose chez les enfants. Ce projet d’une durée de quatre ans se déroule dans sept pays d'Afrique et d'Asie du Sud-Est (Cameroun, Côte d'Ivoire, Mozambique, Ouganda, Sierra Leone, Zambie et Cambodge) et devrait permettre de dépister plus de 77 000 enfants.
Des traitements plus efficaces et mieux tolérés
Epicentre participe également à des essais thérapeutiques internationaux avec son centre de recherche installé à Mbarara (Ouganda). L'essai STATIS de l’ANRS (Agence nationale de recherche sur le SIDA) a comparé la mortalité suite à un dépistage intensif, systématique et continu de la tuberculose ou avec l'utilisation d'un traitement empirique systématique de la tuberculose chez des adultes infectés par le VIH. Les premiers résultats ont montré que le traitement systématique de la tuberculose n'est pas supérieur au dépistage intensif de la maladie dans cette population.
Un traitement à durée réduite pour une meilleure observance
Epicentre participe à plusieurs essais en collaboration avec l'Université St Georges de Londres pour évaluer un traitement antituberculeux de plus courte durée utilisant une dose plus élevée de rifampicine. Le traitement actuel implique une prise quotidienne de médicaments pendant 6 mois. Si le traitement pouvait être réduit à 3 ou même 4 mois, cela améliorerait l'observance et la vie quotidienne des patients tout en limitant l'émergence de résistance aux médicaments. Faisant suite à plusieurs études, l'étude internationale Rifashort évalue l'efficacité et la sécurité d'un traitement de 4 mois utilisant des doses doubles et triples de rifampicine.
Datura : un traitement plus intense chez les patients séropositifs atteints de tuberculose
Financé par l'EDCTP et l'ANRS, l'essai DATURA - Determination of Adequate Tuberculosis Regimen in Adults and adolescents hospitalized with HIV-associated severe immune suppression - vise à évaluer si un traitement initial plus intensif de la tuberculose, consistant en une augmentation des doses des principaux antibiotiques utilisés, la rifampicine et l'isoniazide, plus des corticostéroïdes, augmente les chances de survie des adultes et adolescents hospitalisés co-infectés par le VIH et la tuberculose, par rapport au traitement standard de la tuberculose. Le centre de recherche de Mbarara est l'un des sites de l'étude.
Identifier les cas contacts pour mieux prévenir
Le centre de Mbarara participe également à l'étude CAP-TB CONTACT de la Fondation Elizabeth Glaser Pediatric AIDS, soutenue par Unitaid, pour la mise en œuvre de nouveaux modèles de soins.
L'objectif de cette étude est d’évaluer un modèle qui comprend un dépistage communautaire des cas contacts chez les enfants dans un foyer où une personne est diagnostiquée positive, accompagné de d'un traitement préventif de 3 mois à base de rifampicine et d'isoniazide et l'orientation des cas présumés de tuberculose, sur la base d'un dépistage fondé sur les symptômes, vers une évaluation et un traitement.
Cette intervention est comparée au modèle strandard dans les pays étudiés, à savoir l'Ouganda et le Cameroun.
Endiguer la progression de la tuberculose multirésistante

L'émergence de résistance aux médicaments antituberculeux constitue une menace mondiale pour la lutte contre la tuberculose. Des résistances à un ou plusieurs antibiotiques sont déjà observées et, plus inquiétant, de plus en plus de souches multirésistantes, c'est-à-dire devenues insensibles à plusieurs médicaments, dont les deux plus efficaces (isoniazide et rifampicine), apparaissent.
En 2018, selon l'OMS, 484 000 cas de résistance à la rifampicine, le médicament de première intention le plus efficace, ont été diagnostiqués dans le monde, parmi lesquelles 80 % de forme multirésistante (TB-MR).
EndTB : trouver des traitements plus courts, moins toxiques et plus efficaces pour la "tuberculose multirésistante" (MDR-TB).
EndTB est un vaste projet qui se déroule dans 17 pays et auquel participent Partners In Health, Médecins Sans Frontières, Interactive Research & Development. Financé par UNITAID, il s'articule autour d'une étude observationnelle et de 2 essais cliniques sposorisés par MSF et dans lesquels Epicentre, la Harvard Medical School et l'Institut de médecine tropicale d'Anvers sont impliqués.
Les traitements actuels de la tuberculose multirésistante peuvent durer jusqu'à 24 mois. Seuls 54% d'entre eux sont couronnés de succès et ils sont souvent accompagnés d'effets secondaires importants. Pour certains patients, ils entraînent l'ingestion de 14 000 comprimés et des injections quotidiennes douloureuses pendant des mois. Le coût, la difficulté et la durée de ces traitements les rendent difficiles à mettre en œuvre.
L'étude observationnelle dont Helena Huerga, épidémiologiste à Epicentre, est l'une des investigatrices principales vise à recueillir des données sur la sécurité et l'efficacité des protocoles utilisant les médicaments autorisés depuis 2012 et 2013, respectivement, la bédaquiline et le delamanid, pour la tuberculose multirésistante. Les résultats intermédiaires montrent que ces deux molécules sont plus sûres que les médicaments actuellement utilisés et suggèrent une meilleure réponse au traitement des formes résistantes de la tuberculose. Cependant, ces résultats ne sont pas homogènes selon les pays.
Les deux essais cliniques de phase III de EndTB ont pour but d'évaluer l'efficacité des combinaisons à base de bédaquiline et de delamanid, administrées sur une période plus courte (6 ou 9 mois) et donc plus acceptable pour les patients.
L'un des essais, qui inclura 750 patients dans huit pays à forte incidence de tuberculose : Géorgie, Inde, Kazakhstan, Lesotho, Pakistan, Pérou, Afrique du Sud et Vietnam, se concentre sur les formes de tuberculose sensibles aux fluoroquinolones. L'autre essai clinique, qui portera sur 324 patients dans six pays - Inde, Kazakhstan, Lesotho, Pakistan, Pérou et Vietnam - se concentre sur la tuberculose résistante à la rifampicine et aux fluoroquinolones.
Tuberculose et hépatite C
La tuberculose et l’Hépatite C sont souvent associées chez les malades. Le traitement de la tuberculose multi-résistante présente souvent une toxicité hépatique à laquelle s’ajoute celle de l’Hépatite C. En Arménie, MSF procède au dépistage systématique de l'hépatite C chez tous les patients qui entreprennent un traitement contre la TB-MR et fournit un traitement avec de nouveaux antiviraux à action directe (AAD) aux personnes atteintes d'une infection active. Epicentre a évalué l'efficacité et la sécurité du traitement concomitant de l'hépatite C chronique (VHC) avec des antiviraux à action directe et de la tuberculose multirésistante. Cette étude montre que les DAA peuvent être utilisés avec succès pour traiter l'infection chronique par le VHC chez les patients atteints de TB-MR sans problèmes majeurs.