Test urinaire diagnostique de la tuberculose : un fluide facile à obtenir et très bien accepté par les patients

La tuberculose, notamment chez les personnes vivant avec le VIH, reste très largement sous-diagnostiquée et donc non traitée. L’une des raisons réside dans la difficulté d’accès dans les pays à ressources limitées à des tests diagnostiques simples, peu onéreux, suffisamment performants et bien acceptés par les soignants et les patients. A cela s’ajoute chez les personnes vivants avec le VIH la difficulté de produire les expectorations nécessaires au diagnostic moléculaire automatisé par la méthode Xpert MTB/RIF (1) ou à l’analyse par microscopie. Les tests rapides urinaires LAM (pour lipoarabinomannan) qui recherchent un biomarqueur dans des prélèvements d'urine apparaissent donc comme une alternative prometteuse. Cependant il n’existait jusqu’à présent aucune étude sur l’acceptation par les patients de l’utilisation de l’urine comme prélèvement pour le diagnostic de la tuberculose.

Acceptabilité et perception pour les patients

Epicentre a conduit une étude multi-pays sur le diagnostic de la tuberculose chez des personnes vivant avec le VIH dans 4 sites où les prévalences de VIH et de tuberculose sont élevées : l'hôpital régional de référence de Mbarara en Ouganda, l'hôpital du district de Homa Bay au Kenya, le centre de santé Alto Maé à Maputo au Mozambique, la clinique Eshowe Gateway et l’hôpital de district à Eshowe, KwaZulu-Natal, en Afrique du Sud.

Un premier constat confirme la valeur ajoutée des prélèvements urinaires pour des tests urinaires rapides par rapport aux tests nécessitant des crachats : seuls 50 % des personnes de l’étude étaient capables de produire des expectorations spontanément. Par contre tous les patients ont pu fournir facilement des échantillons d'urine.

Si la précision diagnostique d'un test est clé, l'acceptation par les patients est tout aussi essentielle bien que souvent négligée, d’autant plus lorsque le test nécessite le recours à des prélèvements de fluides corporels pouvant aller à l'encontre des normes sociales ou des valeurs culturelles. En ce qui concerne le prélèvement d’urine pour son utilisation dans le diagnostic de la tuberculose, le recueil des perceptions des patients a permis de mettre en avant 

Des facteurs positifs :

• Obtention d’un échantillon d’urine facile, naturelle, rapide et indolore,
• Urine souvent préférée à expectoration, entrainant moins de stigmatisation
• Obtention des résultats des tests urinaires rapides le même jour, ce qui réduit la charge émotionnelle, physique et financière que représente le fait de devoir retourner dans un établissement de santé

Comme l’explique l’un des participants de l’étude en Ouganda par rapport aux tests utilisant des crachats, « Il faut un échantillon d'expectoration particulier. Même s'ils sont dans la gorge, ils sont difficiles à produire. On peut vous demander des expectorations et vous fournissez de la salive à la place. Mais pour l'urine, c’est facile de fournir l'échantillon. »

Et un participant sud-africain note l’importance d’avoir le résultat dans la journée « [plutôt] que de revenir le lendemain à cause de l'argent du transport et du temps. Comme nous sommes malades, nous ne devons pas nous surmener en continuant à venir ici. Il vaut mieux aller à l'hôpital et être prêt à attendre. Le jour même, c'est mieux et c'est plus facile parce qu'on veut savoir ce qui se passe et être libre, ça ne doit pas prendre longtemps. [Si je dois attendre [plus d'un jour], je serai peut-être encore plus malade à cause de l'attente. »

Ce qui est nécessaire pour que le test soit réalisé dans de bonnes conditions :

• Besoin de toilettes propres, et d’intimité

Et des limites :

• Attente pour accéder aux toilettes
• Méfiance un peu plus élevée à l'égard des résultats des tests urinaires de diagnostic de la tuberculose par rapport à ceux reposant sur des expectorations en raison d’une association moins évidente pour les patients entre les voies urinaires et la tuberculose.

Mais l’usage des toilettes apporte un autre avantage comme l’explique un participant d’Afrique du Sud "Si vous n'aimez pas que les gens voient ce que vous faites, vous allez aux toilettes, vous urinez et vous le cachez. Alors qu'avec les expectorations, une personne peut vous entendre tousser et se sentir dégoûtée".

En conclusion, le prélèvement d'urine est très bien accepté et même bénéfique pour les patients en termes de confort et d'intimité. Afin d’améliorer encore sa perception, l'étude a noté quelques besoins et préoccupations des patients à prendre en compte en vue d’une mise en œuvre des tests urinaires à large échelle, à savoir :

• fournir des instructions et des informations sur le prélèvement et le test ainsi que du matériel pour l’effectuer,
• prévoir un lieu pour les prélèvements propre, privé, proche et fonctionnel (toilettes) et des équipements de prévention des infections (eau, papier hygiénique, points de lavage des mains),
• offrir le test gratuitement,
• garantir un diagnostic et un traitement le jour même pour les personnes dont le test est positif, en veillant à ce que les résultats soient communiqués de manière confidentielle,
• favoriser une relation de qualité entre l'équipe médicale et le patient, ce qui implique que le personnel médical ait le temps, les compétences, soit sensibilisé et encouragé à ce comportement.

« C’est en tenant compte de ces recommandations que le déploiement des tests urinaires pour le diagnostic de la tuberculose pourra se faire efficacement. Ces résultats sont d’autant plus importants que plusieurs tests reposant sur des prélèvements d’urine sont en cours de développement et devraient, s’ils sont mis en œuvre dans de bonnes conditions participer à réduire le sous diagnostic de cette maladie infectieuse. » conclut Helena Huerga, épidémiologiste à Epicentre.

1. Les diagnostics moléculaires automatisés tels que le Xpert MTB/RIF réalisés à partir d’expectorations font preuve d’une bonne performance, mais en raison de leur coût, du besoin en électricité et de l’infrastructure de laboratoire nécessaire, ils sont peu disponibles dans certains milieux à ressources limitées où, par conséquent, le diagnostic repose encore souvent sur les signes cliniques et l’analyse des crachats par microscopie.