Cholera : quel impact pour les campagnes de vaccination en RDC ?
Depuis la première apparition de la bactérie Vibrio Cholerae en 1974 en République Démocratique du Congo (RDC), le pays est régulièrement en proie à des épidémies de choléra. Leur ampleur est variable, mais seule une réponse rapide permet d’endiguer leur propagation. Certaines zones sont également reconnues comme endémiques car la maladie y ressurgit régulièrement.
Le principal réservoir épidémique de la bactérie est l’homme. La maladie se transmet par l’absorption d’eau ou d’aliments contaminés par les selles de personnes infectées. Une fois dans l’intestin, la bactérie sécrète notamment la toxine cholérique, responsable de la diarrhée aqueuse aiguë et de l’importante déshydratation, caractéristiques de l’infection. C’est une maladie qui touche les populations vulnérables, vivant dans des conditions insalubres, avec des structures sanitaires insuffisantes, parfois en raison de guerre ou de catastrophe naturelle.
Evaluer l’impact d’une campagne de vaccination orale
Deux vaccins oraux, Shanchol™ et Euvichol®, font partie du stock mondial constitué par l’OMS avec le soutien de Gavi, l’Alliance du vaccin. Ils sont destinés à supporter une riposte en cas de flambée épidémique et à compléter les mesures de prévention et de lutte mises en place, suivant les recommandations de l’OMS et la feuille de route pour l’élimination du choléra d’ici 2030. « Notamment en raison du faible nombre de doses disponibles, ces stocks ont été peu utilisés jusqu’ici pour des campagnes vaccinales préventives dans les zones où le choléra est endémique, » note Anaïs Broban, épidémiologiste à Epicentre.
Quelques campagnes vaccinales ont cependant déjà eu lieu en RDC, notamment dans les régions lacustres près des grands lacs à l’est du pays, qui voient régulièrement l’apparition de nouveaux cas de choléra. D'autres campagnes sont d’ores et déjà envisagées.
« Les performances du vaccin laissent espérer, avec une campagne de deux doses de vaccin ciblant les individus de plus de 1 an et couvrant une large part de la population, une réduction significative de l'incidence de la maladie par rapport à la période précédant la vaccination, pendant au moins trois ans. Cependant, l’impact réel de ces vaccinations préventives est encore très peu documenté, » précise Anaïs Broban.
Epicentre vient donc de lancer une étude opérationnelle pour évaluer l’impact d’une campagne préventive de vaccination orale dans des hotspots de choléra, grâce à un financement du Wellcome, UK AID et le Foreign and Commonwealth and Development Office, et de manière intégrée aux activités de MSF et avec le soutien du Ministère de la santé de RDC et du Programme National d'Elimination du Choléra et de lutte contre les autres Maladies Diarrhéiques (PNECHOL-MD). « L’objectif de notre projet est de suivre l'incidence du choléra après la vaccination pendant au moins deux ans, et de mieux comprendre l’impact du vaccin sur le niveau et les caractéristiques de la transmission de la maladie » ajoute l’épidémiologiste.
Un projet ambitieux pour une maladie qui touche les plus vulnérables
Cette étude qui se déroule à Goma comporte trois volets. Tout d’abord, la mise en place d’une surveillance dans 7 centres ou unités de traitement du choléra (CTC/UTC), les structures de soins mises en place pendant les épidémies pour isoler et traiter les patients atteints de choléra. Ainsi, ces activités de surveillance renforcée ont débuté dans la ville le 11 mai 2021 sous la supervision d’Anaïs Broban.
Ensuite plusieurs enquêtes de séroprévalence permettront de déterminer les taux d’infections récentes dans la population générale, et son évolution au fil des saisons.
Et enfin un 3e volet consistera à suivre à domicile des patients testés positifs, mais aussi les autres membres du foyer et évaluer la présence de la bactérie Vibrio cholerae dans l’environnement de la maison. Ce pan de l’étude explorera les modes de propagation et de transmission de la bactérie au sein du foyer (y compris asymptomatique) et les différences de transmission dans les foyers vaccinés ou non. L’étude sera également menée dans un site rural en RDC.
Chaque année, on estime que 1,3 à 4 millions de personnes sont infectées par la bactérie Vibrio Cholerae dans le monde et 21 000 à 143 000 en décèdent (1). Le choléra reste une menace sanitaire mondiale.
Depuis de nombreuses années, Epicentre accompagne les programmes de MSF pour améliorer la prise en charge des patients atteints de choléra et les stratégies de réponse aux épidémies, mais aussi prévenir la survenue de cette maladie. Cette étude s’inscrit donc dans cette continuité et devrait apporter de nouvelles connaissances sur l’impact des campagnes de vaccinations et la propagation de la maladie, qui seront cruciales pour l’orientation des stratégies de contrôle de la maladie.
crédit photo : Choléra RDC Natacha Buhler/MSF & Anais Broban/Epicentre