Analyser l’acceptation, l’adoption et l’impact des nouveaux outils de prévention du VIH : une étude auprès des travailleuses du sexe au Malawi

Mardi 20 mai 2025
VIH
Introduction
Depuis 2022, l'Organisation mondiale de la santé (OMS) recommande le cabotégravir injectable à longue durée d’action (CAB-LA) comme méthode innovante de prophylaxie pré-exposition (PrEP) contre le VIH. Epicentre en partenariat avec Médecins Sans Frontières (MSF) mène une étude au Malawi pour documenter l’introduction de ce nouvel outil préventif auprès des travailleuses du sexe, en explorant leurs préférences, ainsi que les obstacles et les facteurs facilitant l’adoption de la PrEP.
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Prep Malawi Diego Menjibar
Corps éditorial

La prophylaxie pré-exposition (PrEP) est un outil de prévention du VIH, offrant une protection significative contre l'infection. Cette avancée est essentielle dans un contexte où, à la fin de 2023, près de 40 millions de personnes vivaient avec le VIH et plus de 88 millions avaient été infectées depuis le début de l'épidémie (1). En 2015, l'Organisation mondiale de la santé (OMS) a recommandé pour la première fois la PrEP orale, un comprimé combinant deux antirétroviraux (emtricitabine et ténofovir disoproxil) destiné aux personnes à haut risque d'infection. Depuis 2022, une nouvelle forme injectable de PrEP à longue durée d’action, Cabotégravir à action prolongée connue sous le nom de CAB-LA, a été recommandée. N’ayant besoin que d'une injection toutes les huit semaines, ce traitement antiviral, un analogue du dolutégravir, s'avère être une méthode sûre et efficace pour prévenir le VIH. Des essais cliniques ont montré que le CAB-LA réduisait le risque d'infection par le VIH de 79 % par rapport à la PrEP orale.

Vers une mise en œuvre progressive des innovations en prévention du VIH à longue durée d'action

En Afrique, quatre pays ont commencé à proposer le CAB-LA en 2024 : Zimbabwe, Malawi, Zambie et Eswatini. En accord avec les nouvelles recommandations du ministère de la Santé du Malawi, MSF a récemment commencé à proposer le CAB-LA pour les travailleuses du sexe dans les districts de Dedza et de Neno. En effet selon l'ONUSIDA, en 2019 (2), les travailleuses du sexe couraient un risque 30 fois plus élevé de contracter le VIH que la population féminine en général. 

« En l'absence d'un vaccin ou d'un remède contre le VIH, le CAB-LA et d'autres formulations à longue durée d'action peuvent changer la donne dans la lutte contre l'épidémie de VIH, en particulier dans les pays à revenu faible ou intermédiaire, notamment parmi les groupes les plus exposés au risque d'infection par le VIH », déclare le Dr Antonio Flores, conseiller VIH/TB de Médecins sans frontières (MSF) basé en Afrique du Sud (3).

Auparavant, le CAB-LA n'était disponible que dans le cadre d'essais cliniques, et les données sur son utilisation dans la vie réelle pour les travailleuses du sexe restent encore limitées. C'est pourquoi Epicentre, en partenariat avec MSF, va évaluer l'acceptation, l’adoption et l’usage à long terme du CAB-LA comme option de PrEP pour les travailleuses du sexe.

Un choix plus varié : facteur clé pour l'utilisation de la PrEP

« L'un des principaux avantages de la PrEP injectable est qu'elle élimine la contrainte de la prise quotidienne de comprimés, ce que beaucoup de personnes trouvent difficile », souligne Birgit Schramm, responsable de l’étude au Malawi. 

D’ailleurs selon les données collectées par l’équipe de MSF au Malawi, l'utilisation de la PrEP orale est encore faible parmi les travailleuses du sexe, avec environ un tiers d’utilisatrices parmi les personnes testées négatives, et encore moins continuaient à la prendre sur le long terme. Les obstacles évoqués incluent un manque de connaissance sur le fonctionnement de la PrEP, une sous-estimation des risques d'infection par le VIH, la charge de la prise quotidienne de pilules, et des préoccupations concernant la stigmatisation et la violence exercée par des clients masculins, la PrEP orale ayant un emballage très similaire à celui des traitements antirétroviraux (ART).

« En proposant une alternative à la PrEP qui soit à la fois hautement efficace et potentiellement plus pratique, nous espérons favoriser son adoption plus largement. L’étude évaluera également dans quelle mesure la PrEP injectable entraîne une utilisation durable dans le temps.», ajoute l’épidémiologiste.

 L'objectif de l’étude d’Epicentre est en effet de mieux comprendre les préférences des travailleuses du sexe, les obstacles et les facilitateurs à l'adoption mais aussi à l’usage durable de la PrEP, qu'elle soit orale ou injectable.

Modèle communautaire pour la délivrance de la PrEP

Les nouvelles stratégies de prévention du VIH évoluent rapidement et offrent l’opportunité de ralentir les infections. Pour être véritablement efficaces, elles doivent être accessibles en termes de prix et adaptées aux besoins des utilisateurs, en tenant compte de leurs souhaits et de leurs réalités.

L'étude évaluera également la faisabilité et l'acceptabilité de la délivrance de la PrEP (sous forme orale ou injectable CAB-LA) dans le cadre d'un modèle de soins communautaires mis en place par MSF dans les districts de Dedza et Neno. MSF propose la PrEP dans le cadre des services de santé sexuelle et reproductive (SSR) fournis par des cliniques mobiles aux travailleuses du sexe dans les zones à forte concentration de prostitution des deux districts.

« Face au manque de données probantes sur l’adoption de la PrEP injectable, en particulier parmi les populations clés, cette étude vise à apporter des informations précieuses, notamment sur la mise en œuvre d’un modèle communautaire de délivrance pour la PrEP, » précise Guillermo Martinez, chercheurs en sciences sociales et co-investigateur dans le cadre de cette étude.

Les premiers retours de l'étude qualitative suggèrent que les utilisateurs commencent à s'approprier le CAB-LA. Certains soulignent qu'il les aide à s'ouvrir et à parler de la manière dont ils se protègent et protègent les autres, comme le reflète les propos d'un participant à l'étude :

 « Je dirais [aux membres de ma famille] sans détour qu'ils ont introduit des mesures qui nous protègent contre le VIH. J'ai le sentiment que [l'utilisation de CAB-LA] est l'un des moyens sûrs de me protéger contre le VIH, et je ne veux pas être un fardeau pour les membres de ma famille. » 

Cette perspective s’inscrit dans la démarche centrée sur l’usager développée par MSF, qui responsabilisant les travailleuses du sexe et leur donne les moyens de s'approprier leurs choix en matière de prévention du VIH.

 

(1) https://www.unaids.org/sites/default/files/media_asset/UNAIDS_FactSheet_en.pdf

(2) https://www.unaids.org/fr/resources/documents/2021/05-hiv-human-rights-factsheet-sex-work

(3) https://www.doctorswithoutborders.org/latest/msf-roll-out-injectable-hiv-prevention-drug-southern-africa?utm_source=chatgpt.com

© Diego Menjibar

 

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