Paludisme : les vaccins, un espoir et de nombreux défis

Jeudi 24 avril 2025
Paludisme
Introduction
Alors que les premiers vaccins contre le paludisme, RTS,S et R21/Matrix-M™, marquent une avancée majeure dans la lutte contre cette maladie, des questions subsistent sur la meilleure stratégie d’administration pour maximiser leur impact notamment en zones de transmission palustre saisonnière. Epicentre collabore à deux essais, l’un au Tchad avec MSF et l’autre au Burkina-Faso et au Mali avec des équipes de recherche locales pour comparer deux stratégies d’administration du vaccin R21/Matrix-M™. Objectif : identifier la stratégie de mise en œuvre de ces vaccins la plus optimale pour réduire la morbidité due au paludisme chez les enfants de moins de 5 ans.
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Vaccin Paludisme Soudan du Sud
Corps éditorial

En 2023, le paludisme a frappé 263 millions de personnes et causé près de 600 000 décès (1) L'Afrique reste la région la plus touchée, concentrant 94 % des cas et 95 % des décès. Parmi les victimes, 76 % étaient des enfants de moins de cinq ans. Toutes les heures, 50 enfants de moins de 5 ans meurent du paludisme en Afrique.

Des vaccins efficaces, mais un défi logistique

Malgré des progrès initiaux accomplis au niveau de la prévention et de la prise en charge, l’éradication du paludisme demeure un objectif lointain. Les avancées ont ralenti, et, malheureusement, certains pays enregistrent même une recrudescence des cas et des décès. Dans ce contexte, l’arrivée des vaccins RTS,S/AS01 et R21/Matrix-M™ suscite un immense espoir, notamment pour les jeunes enfants. Pour preuve, lors d’un essai clinique de phase III mené sur 4 800 enfants au Kenya, en Tanzanie, au Burkina Faso et au Mali, le vaccin R21/Matrix-M™, a permis de réduire de 75% le nombre de cas (détectés par un test de diagnostic rapide (2)) dans les zones de transmission saisonnière et de 68% dans les régions où le paludisme sévit toute l’année.

En conséquence, l’OMS recommande désormais l’utilisation des vaccins RTS,S/AS01 et R21/Matrix-M™ pour protéger les enfants vivant dans les zones où la transmission est modérée à élevée. Mais le déploiement de ces vaccins à grande échelle reste un défi.

Administration des vaccins contre le paludisme : quelles stratégies pour une protection optimale ?

En 2024, plus de 20 pays africains les ont intégrés à leurs programmes de vaccination de routine (PEV) qui visent à protéger les enfants de 12 à 59 mois contre une vingtaine de maladies. Les 3 doses initiales sont administrées à partir de 5 mois de vie, selon un calendrier basé sur l’âge.  Cependant, cette stratégie pourrait ne pas être la plus adaptée pour plusieurs raisons. 

« RTS,S/AS01 et R21/Matrix-M™ requièrent quatre doses : trois initiales à un mois d’intervalle, suivies d’un rappel entre 6 mois et un an plus tard, explique le Pr Halidou Tinto, directeur régional de l’Institut de Recherche en Sciences de la Santé à Nanoro au Burkina Faso. Or, ce calendrier ne s’aligne pas toujours avec les vaccinations de routine du PEV, ce qui complique leur intégration. » 

De plus, dans les zones de transmission saisonnière, la protection offerte par le vaccin étant limitée dans le temps, un calendrier basé uniquement sur l’âge, comme celui du PEV, ne garantit pas une efficacité optimale pendant la saison des pluies, période de forte transmission.

Dans un contexte de ressources limitées, optimiser le déploiement des vaccins est essentiel. Une solution envisagée consisterait à coupler la vaccination avec la chimioprévention du paludisme saisonnier (CPS), une stratégie déjà utilisée depuis plus de dix ans dans plusieurs pays d’Afrique à transmission saisonnière du paludisme. La CPS consiste à administrer aux enfants de 3 à 59 mois un traitement préventif (sulfadoxine-pyriméthamine et amodiaquine) chaque mois pendant la saison des pluies, en intervenant dans les communautés.

« Dans les zones où le paludisme est saisonnier, une campagne annuelle combinant vaccination et CPS pendant la saison de forte transmission pourrait être une approche efficace », explique Valérie Briand, directrice du département de recherche d’Epicentre. 

Une étude clinique menée avec le RTS,S/AS01 a d’ailleurs montré qu’une telle combinaison permettait de réduire de 60 à 70 % les cas de paludisme simple et grave, par rapport à l’une ou l’autre des interventions seules.

Associer vaccination et chimioprévention : une stratégie prometteuse

Pour tester cette approche, en collaboration avec les programmes nationaux de lutte contre le paludisme et la division de la vaccination des pays concernés, Epicentre lance deux essais cliniques visant à comparer une stratégie de vaccination R21/MM intégrée à la CPS avec une stratégie basée sur l’âge (intégrée au PEV) dans les zones à forte transmission saisonnière. Le premier se déroule au Tchad grâce à une collaboration avec le ministère de la Santé et financé par MSF et Expertise France. Le second a lieu au Burkina Faso et au Mali en partenariat avec les autorités sanitaires, dans le cadre du consortium IMVACS (Integrating Malaria Vaccine with Seasonal malaria chemoprevention in West Africa) qui fait partie du programme EDCTP3 soutenu par l'Union européenne.

L’objectif est d’évaluer l’efficacité du couplage entre la CPS et la vaccination R21/Matrix-M™, mais aussi la couverture vaccinale, le respect du schéma vaccinal et l’impact sur les autres mesures préventives. Un volet de l’étude documentera également l’acceptabilité, la faisabilité opérationnelle de la mise en œuvre de ces deux stratégies – intégrée au PEV et à la CPS – , ainsi que leur coût et coût-efficacité.

« La combinaison de la vaccination R21 avec les campagnes mensuelles de CPS existantes pourrait permettre d'améliorer la couverture vaccinale pour la troisième dose essentielle et la quatrième dose de rappel. Cela optimiserait la protection des enfants, en particulier à la fin de la longue saison des pluies, période où l'on observe encore un nombre élevé de cas malgré l'arrêt des activités de CPS. Par ailleurs, la mise en œuvre conjointe de ces deux interventions éprouvées – Toutes deux déjà recommandées séparément par l'OMS pour la même population –, devrait non seulement produire un effet synergique, mais pourrait s'avérer plus rentable dans l'ensemble. Il s'agit là d'un élément important à prendre en considération, en particulier dans le contexte d'un financement futur incertain », souligne Saschveen Singh, conseillère en maladies infectieuses tropicales pour MSF France.

« Si cette approche se révèle concluante, elle pourrait transformer la lutte contre le paludisme en rendant la vaccination plus accessible aux populations les plus vulnérables, dans les zones où la transmission est saisonnière et où les pics de paludisme entraînent une forte morbi-mortalité. » conclut le Pr Halidou Tinto. 

Cette stratégie ciblerait en priorité celles et ceux qui, en raisons d’un accès limité ou retardés aux soins, restent les premières victimes de cette maladie mortelle.

 

(1) https://www.who.int/fr/news-room/fact-sheets/detail/malaria

(2) Les TDR du paludisme détectent des antigènes spécifiques (des protéines) produits par les plasmodies présentes dans le sang des personnes infectées

© Paula Casado Aguirregabiria

 

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