Bachir Assao : la santé publique comme leitmotiv
Alors qu’il a fini sa spécialisation en santé publique en 2016, Bachir Assao, coordinateur épidémiologie au Centre de recherche de Maradi au Niger d’Epicentre, a déjà une longue expérience derrière lui. Celle-ci va encore s’enrichir d’un doctorat en zoologie qu’il va débuter à l’automne 2022 grâce à un financement de l’université de Floride. « Cela ne signifie pas pour autant que je coupe les ponts avec Epicentre, explique-t-il. L’idée est que je mette en pratique mes projets de doctorat dans le centre du Niger d’Epicentre. »
En effet Bachir Assao va rejoindre un laboratoire qui étudie la dynamique des maladies infectieuses comme la dengue et le paludisme à L’université de Floride. « Ce laboratoire explore avec des outils informatiques et la modélisation les liens entre l’écologie et l’évolution des pathogènes pour mieux appréhender leur transmission. J’espère ensuite utiliser ces nouvelles technologies pour comprendre la propagation des épidémies au Niger et les endiguer. » Ce domaine n’est pas nouveau pour Bachir Assao puisqu’avec Robert Nsaibirni, ils ont mis en place Alert Niger, une plate-forme électronique de surveillance et d’alerte déployée dans un premier temps pour faire face à la pandémie de COVID19. Alert Niger repose sur un système de recueil des données d’alerte structurée pour en assurer l’efficacité et l’exhaustivité. Cette plateforme est désormais utilisée par le ministère de la santé du Niger pour des maladies à résurgence récurrente comme la rougeole et la méningite à méningocoque. Les agents de santé communautaires, des centres d’appels spécialisés, des hôpitaux lancent des alertes qui font ensuite l’objet d’une investigation afin d’identifier et de tester les cas suspects.
Faire face aux différentes épidémies qui menacent la région
Pour mettre en place cette plateforme, Bachir Assao a pu compter sur ces multiples expériences sur les maladies infectieuses. Tout d’abord au cours de son master effectué aux Etats-Unis grâce à une bourse Fullbright, il a participé au sein du consortium MenAfriNet à évaluer la mise en œuvre du vaccin MenAfriVac® dans la ceinture africaine de la méningite. Avant 2009, toutes les épidémies de cette inflammation des méninges étaient provoquées par le Neisseria meningitidis de sérogroupe A. La vaccination de plus de 300 millions de personnes avec MenAfriVac® a entraîné une baisse de 99 % de l'incidence de la méningite bactérienne causée par ce sérogroupe dans les 22 pays où le vaccin a été introduit. Mais depuis d’autres sérogroupes ont émergées notamment le Neisseria meningitidis de sérogroupe C au Niger. « Il s’agit désormais de renforcer la surveillance pour ces nouveaux sérogroupes et détecter une éventuelle résurgence du sérogroupe A de très mauvais pronostic, » précise Bachir Assao. En 2017, il a aussi participé à un essai clinique visant à évaluer la ciprofloxacine comme alternative à la vaccination pendant les épidémies de méningite. Si les premiers résultats de cet essai randomisé de phase 3 ont donné lieu à une recommandation de l’OMS, les études complémentaires nécessaires pour aller plus loin n’ont pas pu avoir lieu faute d’épidémie à Madarounfa, lieu de l’essai.
Quant au Paludisme, l’une des maladies infectieuses qui affecte le plus les populations autour de Maradi où se trouve le centre de recherche d’Epicentre, les études auxquelles a contribué Bachir Assao portait sur la chimioprévention saisonnière (CPS) et l’évaluation de son efficacité. Cette approche préventive consiste en un cycle de traitement complet par la sulfadoxinepyriméthamine (SP) et l'amodiaquine (AQ) administré à des enfants âgés de 3 à 59 mois à intervalles d’un mois, à partir du début de la saison des pluies où la transmission est maximale. Si elle permet de limiter la survenue de résistance, sa mise en œuvre stratégique pose toujours un grand nombre de question. « Au cours de cette étude, nous avons montré que la prévalence de la parasitémie était élevée chez les enfants âgés de 5 à 9 ans, ce qui justifierait d'envisager leur inclusion dans les programmes de CPS, rappelle Bachir Assao. Mais le résultat qui nous a le plus surpris est que l'infection par le paludisme est très répandue dans cette région, même en dehors de la saison des pluies où l'incidence du paludisme clinique est faible. »
En 2018, Bachir Assao a aussi effectué des enquêtes de séroprévalence de l’hépatite E dans les camps de réfugiés de Diffa qui avaient été la proie d’épidémie de cette hépatite pour laquelle il n’existe aucun traitement à ce jour et dont le taux de mortalité peut atteindre 25 % chez les femmes enceintes. « Ce n’est pas mon meilleur souvenir en termes d’étude, explique Bachir Assao. Malheureusement nous n’avons pas pu obtenir assez de prélèvements et donc aucun résultat, mais cela illustre bien les difficultés associées à la réalisation de telle étude dans des conditions difficiles. »
Puis après des missions au Soudan du Sud et en RDC, Bachir Assao est revenu à Maradi pour coordonner la réponse aux épidémies de méningite, de rougeole et de choléra en lien avec le ministère de la santé. « J’ai commencé à me familiariser avec les tableaux de bord et l’anticipation des risques à partir des données épidémiologiques et de laboratoire, précise Bachir Assao. C’est pour aller plus loin et construire des modèles pour tenter d’endiguer les épidémies et administrer les vaccins par exemple au bon moment et au bon endroit que Bachir Assao envisage de faire un PhD. Début 2022, il obtient un financement de 5 ans pour rejoindre l’université de Floride et se consacrer à l’étude du paludisme et de l’interaction moustique-hôte. « Le principe est que je passe 2 ans dans le laboratoire en Floride, puis que je revienne à Maradi pour poursuivre mon doctorat en situation concrète, » conclut Bachir Assao qui espère déjà apporter ainsi une nouvelle pierre à la lutte contre le paludisme responsable de 50 % des décès dans le pays.