Comment l’expérience du COVID -19 va servir aux autres maladies infectieuses au Niger
Le Niger fait face régulièrement à des épidémies de méningite à méningocoque, de rougeole et de choléra. Il existe donc un maillage au sein du pays pour que ces maladies à déclaration obligatoire soient repérées le plus rapidement possible. « Toutefois le temps de riposte est encore long, rappelle Bachir Assao, épidémiologiste d’Epicentre à Niamey et entre autres chargé de coordonner les données des épidémies pour MSF et le ministère de la Santé Publique du Niger. L’analyse des premiers prélèvements est un facteur déterminant de la mise en place de la riposte, car elle permet de confirmer la cause et de répondre au plus vite.
Cette riposte met en jeu plusieurs acteurs, ce qui nécessite de fluidifier la communication, de centraliser les données et les informations pour une riposte plus efficace.
« J’aide donc à faire le lien entre tous ces acteurs, explique Bachir Assao. J’élabore un bulletin hebdomadaire de suivi de la rougeole, de la méningite et des actions mises en place par le ministère et les sections de MSF afin d’avoir une vue globale. »
Epicentre au cœur de la réponse au COVID-19 au Niger
Alors quand le 1er cas de COVID a été détecté le 21 mars 2020 au Niger entraînant des mesures de fermeture aérienne et terrestre de la part du gouvernement pour limiter la propagation, Epicentre à l’initiative de Robert Nsaibirni, la Fondation MSF, Medic Mobile, le ministère de la Santé Publique du Niger et Google ont collaboré pour mettre en place un outil électronique pour organiser la réception et les investigations suite aux alertes CoVid-19.
« Le système qui était en place avant, principalement manuel, présentait un certain nombre d’inconvénients : manque de confidentialité et de sécurité au niveau des données, lacune en termes de structuration, le délai entre une alerte et son investigation pouvait être assez long, difficulté de déployer ce système à l’échelle nationale. Explique Robert Nsaibirni, responsable du data management d’Epicentre. Le Ministère de la santé nous a donc contacté pour améliorer le système d’alerte. »
Près de 5 000 cas ont été dénombrés en date du 2 mars au Niger, le pays est en alerte permanente. Le centre de recherche d’Epicentre joue un rôle clé dans cette surveillance. D’autant plus que depuis fin février, le centre situé à Maradi est doté d’un laboratoire de biologie moléculaire, équipé d’une machine RT-PCR, la technologie qui permet de mettre en évidence le matériel génétique d’un virus ou d’une bactérie dans un prélèvement biologique. Dans un premier temps, cette technique de diagnostic pourra être utilisée pour confirmer la présence du SARS-CoV2 dans les prélèvements effectués chez les personnes à risque symptomatique ou asymptomatique en collaboration avec le ministère de la Santé Publique et le CERMES. Mais à terme, elle servira plus largement et pour d’autres infections.
« C’est une avancée en termes de possibilité diagnostique conséquente puisqu’à ce jour, le Niger compte très peu de laboratoire de ce type fonctionnel et son utilisation se fera en étroite concertation avec le ministère de la Santé Publique et le CERMES », souligne Ousmane Guindo, responsable du centre de recherche.
« Nous espérons donc pouvoir rapidement effectuer les tests de confirmation de cas au niveau de Maradi, et ainsi participer à la lutte contre le COVID au Niger, déclare Céline Langendorf, responsable laboratoires d’Epicentre. D’ailleurs la PCR devrait être rapidement mise à contribution pour le dépistage des personnels soignants à Maradi et cela en complément de l’étude de séroprévalence qui vient de commencer sur ce même personnel. En effet comme dans de nombreux pays en Afrique, le doute demeure au Niger quant à la réelle incidence du COVID-19. Seules des études de séroprévalence pourront établir le nombre de personnes qui ont réellement été exposées au SARS-CoV2. Les résultats de ces analyses actuellement en cours dans plusieurs pays sont attendus afin de dresser une véritable cartographie de la pandémie en Afrique.
Alert-CoVid-19 est une plate-forme électronique de surveillance et d’alerte au Niger
La stratégie pour limiter la propagation du SARS-CoV2 – mais elle est vrai pour les autres germes aussi – s’appuie sur la détection précoce des symptômes, la réalisation de tests et l’isolement des personnes infectées, ainsi que des personnes ayant été en contact avec eux et la prise en charge des malades.
« Le premier maillon de la chaine, ce sont les communautés et les relais communautaires sensibilisés et chargés d’alerter le SAMU en cas de cas suspect, explique Bachir Assao. Le SAMU prend des informations. Ayant été formé à détecter les signes « avant-coureurs », ils transfèrent à une cellule nationale si le risque se confirme. « La cellule nationale est composée d’épidémiologistes qui vont pouvoir analyser la situation et déterminer s’il est nécessaire qu’une équipe se déplace pour effectuer un prélèvement, voire transférer la personne dans un centre de référence. C’est une coordination fine entre les régions et la cellule nationale chargée d’évaluer et d’identifier les risques. »
Tout repose sur une formation adéquate des différents intervenants et le recueil des données d’alerte de manière structurée pour en assurer l’efficacité et l’exhaustivité. L’application Alert-CoVid-19 permet aux agents de santé communautaires, aux agents de santé des centres d’appels spécialisés ainsi qu’aux hôpitaux de lancer des alertes COVID-19. Ces alertes font ensuite l’objet d’une investigation permettant d’identifier et de tester les cas suspects.
Pendant la 1ère vague, jusqu’à 6000 appels par jour ont été notifiés. « 95 % des alertes passent par la plateforme, soit un total de plus de 10 000 alertes à ce jour au niveau de la cellule nationale, » déclare Bachir Assao. C’est un succès et un système efficace, d’où la volonté de l’étendre à d’autres maladies à potentiel épidémique au Niger.
« Dans ce but, nous avons commencé une phase exploratoire pour identifier les régions dans lesquels nous allons déployer la phase pilote, enchaîne Bachir Assao. Maradi a été retenu en raison de la présence d’Epicentre et des régions frontalières avec le Nigéria pour les risques en termes épidémiques qu’elles représentent.
Cette 2e phase nécessite toutefois de former le personnel de soin et les relais communautaires à la détection des signes associés à ces maladies, mais aussi de renforcer les outils informatiques. L’organisation à but non lucratif Medic Mobile poursuit les développements pour étendre l’utilisation de cette application, et les accords avec les différentes parties prenants sont en cours. L’arrivée de la PCR au centre de Maradi constituera certainement un allié important pour faciliter le diagnostic.
« Cette plateforme de riposte face à des maladies infectieuses survenant régulièrement au Niger et entraînant le décès de nombreuses personnes représente une avancée majeure et devrait participer à enrayer la propagation d’épidémies telles que la rougeole et la méningite, » conclut Ousmane Guindo.