COVID-19 : la 1ère évaluation des tests diagnostiques rapides dans un environnement à ressources limitées démontre leur bonne sensibilité
Quelle est la genèse de cette étude sur les tests diagnostiques rapides qui implique le ministère de la santé publique du Cameroun, MSF et Epicentre ?
Yap Boum : Au début de la pandémie de COVID-19, seuls 2 laboratoires – l’un au Sénégal et l’autre en Afrique du Sud – avaient la capacité d’effectuer les tests correspondant au « gold standard » pour diagnostiquer le COVID-19 : la RT-PCR. Ces tests qui détectent l’ARN du virus à partir d’un prélèvement nasopharyngé nécessitent le recours à un laboratoire de biologie moléculaire. Il fallait donc mettre en place des alternatives à ces laboratoires de biologie moléculaire, trop complexes à développer en nombre suffisant, partout et dans l’urgence sur le continent africain. Avec MSF et le ministère de la santé publique du Cameroun, nous avons lancé une étude pour évaluer les performances de cinq tests diagnostiques rapides – 4 basés sur la recherche d’anticorps et un sur la détection d’antigène - pour détecter l'infection par le SRAS-CoV-2 en milieu communautaire au Cameroun. Au moment où cette étude a débuté, aucune étude sur les tests diagnostiques rapides en Afrique n'avait été publiée, et c'est toujours le cas.
Comment fonctionnent ces tests ?
YB. : Les tests sérologiques se basent sur la détection d’anticorps de type IgG ou IgM qui sont des protéines du système immunitaire produites en réponse à une infection par le SARSCoV-2. Ils indiquent donc à partir d’un prélèvement sanguin si une personne a été infectée par le virus. Les tests antigéniques recherchent dans des prélèvements nasopharyngés un fragment de protéine du virus et détectent donc les personnes porteuses du virus au moment de l’examen.
Dans cette étude clinique, prospective et diagnostique, nous avons recruté 1195 personnes âgées d'au moins 21 ans qui étaient soit symptomatiques et suspectés d'avoir le COVID-19, soit asymptomatiques et se présentant pour un dépistage.
Quels ont été les résultats ?
YB : Le test antigénique rapide a permis de détecter dans les 7 premiers jours 80 % des personnes symptomatiques ayant été testées positivement à la PCR. Les tests antigéniques rapides n'amplifient pas le virus présent dans les échantillons ; la positivité de ce test varie donc en fonction de la charge virale. Il permet donc d’identifier les personnes avec une forte charge virale et donc à fort risque soit de développer une forme sévère, soit de transmettre le virus.
Quand aux tests sérologiques, ils ont détecté deux semaines après les symptômes 7 personnes sur 10 ayant été exposées au virus. C’est donc un très bon indicateur de la manière dont se répand le virus dans les communautés.
Comment ces tests rapides ont-il été intégrés dans le suivie de la pandémie ?
YB. : Nous avons présenté les données préliminaires en juin 2020 au ministère de la santé publique au Cameroun. Sur la base de ces premiers résultats, le Cameroun a validé un algorithme national de dépistage de la COVID-19 et commencé à utiliser les tests diagnostiques rapides dès le 12 juillet 2020. Sur 600 000 tests de ce type effectués in décembre 2020, 10 793 cas positifs sur les 26 848 signalés dans le pays, soit 40 %, ont ainsi pu être diagnostiqués.
Le recours aux tests rapides accélère le diagnostic des personnes et ainsi, si nécessaire, leur isolement et leur prise en charge. C’est aujourd’hui l’un des piliers de la stratégie de dépistage au Cameroun et dans le Monde. Ils peuvent être réalisés de manière décentralisés et mobiles dans des lieux publics et sont donc parfaitement adaptés aux environnements à faibles ressources. Leur usage dans le cadre d’auto-test a récemment été validé au Royaume-Uni et bientôt dans les pays européens
Seules les personnes symptomatiques avec un test négatif sont orientées vers une PCR, ce qui permet de réduire leur nombre. Car même si le Cameroun dispose à présent de 17 laboratoires pouvant effectuer des tests PCR pour le SRAS-CoV-2, c’est encore peu pour répondre à la demande grandissante, surtout en cette période de seconde vague avec les différents variants en circulation au Cameroun. Et même si la personne ne peut pas être orientée vers un test PCR, elle peur retourner dans sa communauté plus sereinement puisque à priori elle a une charge virale faible et moins de risque de transmettre le virus
Compte-tenu des résultats observés au Cameroun, ces tests ont depuis lors rapidement été intégrés comme un outil clé de la lutte contre le COVID-19 dans d’autres pays.
Cette étude illustre aussi la nécessité de développer une recherche adaptée aux enjeux et aux besoins des différents environnements et ce, d’autant plus dans les pays où les ressources sont limitées.