Cancer du col de l’utérus au Malawi : quelle couverture et quels freins au dépistage ?
Le Malawi déplore la plus forte mortalité due au cancer du col de l’utérus au monde (avec 51,5 décès/100 000/an). Ce taux est deux fois supérieur à celui observé ailleurs en Afrique de l'Est et sept fois supérieur au taux mondial. La forte prévalence du virus de l'immunodéficience humaine (VIH) et de l'infection par le papillomavirus humain (PVH) expose les femmes malawites à un risque accru de cancer du col de l'utérus. Or ce cancer peut en grande partie être évité. Parmi les stratégies de prévention primaire et de contrôle figurent :
- La vaccination contre le HPV afin de se prémunir contre la plupart des infections HPV et donc de réduire le risque de cancer du col de l’utérus. Toutefois Le coût du vaccin et le schéma vaccinal à plusieurs doses limitent son déploiement dans les pays à revenu faible et intermédiaire.
- La détection précoce et le traitement des lésions précancéreuses. L'approche "dépistage et traitement" en une seule consultation repose sur l'inspection visuelle du vagin sur lequel est appliqué de l'acide acétique (IVA) suivie d’une cryothérapie ou d’une thermocoagulation si une lésion est repérée. Elle se déroule dans les établissements de santé primaire et plusieurs hôpitaux de référence offrant des services de diagnostic et de traitement du cancer.
En 2016, le ministère de la Santé du Malawi (MoH) a mise en œuvre une stratégie nationale de lutte contre le cancer du col de l'utérus pour réduire son impact. Dans ce cadre, le pays a adopté l'approche de la consultation unique "dépistage et traitement".
Depuis 2018, MSF accompagne le déploiement de ce programme au sud du pays dans une zone urbaine, la ville de Blantyre et une zone rurale, le district de Chiradzulu.
La couverture du dépistage du cancer du col de l'utérus reste encore bien en deçà de l'objectif national de 80 % des femmes dépistées par IVA au moins une fois. Par conséquent, Epicentre a réalisé en 2019 une enquête afin d’estimer la couverture du dépistage du cancer du col de l'utérus dans un échantillon représentatif de femmes éligibles dans la ville de Blantyre et le district de Chiradzulu, mais aussi comprendre pourquoi les femmes ont été ou n'ont pas été dépistées.
Un dépistage du cancer du col de l’utérus bien accepté, mais trop peu étendu
« Le pourcentage de femmes ayant été dépisté était plus élevé à Blantyre avec 40 % qu’à Chiradzulu où il est de 39 % dans la zone avec accès au centre de dépistage soutenu par MSF, mais seulement de 25 % dans la zone sans accès au centre de dépistage de MSF, » détaille Sibylle Gerstl, épidémiologiste pour Epicentre.
Quant à savoir ce qui avait incité les femmes à se faire dépister, près de 50 % d’entre elles expliquent avoir suivi les recommandations du centre de santé dans lequel elles se rendent. Les principaux obstacles au dépistage évoqués par les femmes étaient le manque de temps pour 26 % d’entre-elles et le manque de motivation pour 18 %.
« Si presque 100 % des femmes savaient ce qu’était le cancer du col de l’utérus, seulement un tiers en connaissaient les symptômes et un peu plus de la moitié s’estimaient à risque, note l’épidémiologiste. En dépit de la relative bonne connaissance de ce cancer, les femmes se sentent encore trop peu concernées. » il faut poursuivre voire accentuer les campagnes de sensibilisation et d’information tout en tenant compte des différences existant entre les zones urbaines et rurales. Il est également nécessaire de rendre le dépistage plus facile et l’amener au plus près des femmes, par exemple en développent des structures mobiles.
Malgré la faible couverture du dépistage du cancer du col de l'utérus au Malawi, l'accueil positif des femmes qui ont été dépistées laisse espérer qu’il est largement possible d’améliorer sa couverture. Bien que cela ne soit pas la seule arme pour lutter contre le cancer du col de l’utérus, le dépistage, en complément de la prévention, a un rôle essentiel pour réduire la mortalité due à ce cancer au Malawi. En parallèle les stratégies thérapeutiques doivent aussi être déployées pour garantir une meilleure prise en charge aux femmes dépistées.
crédit photo @Francesco Segoni