COVID19 : quelle couverture vaccinale pour les personnes en situation de grande précarité ?
Les populations en situation de précarité et particulièrement les personnes sans‑domicile sont exposées à un risque accru d’infection avec des conséquences en termes de mortalité, de morbidité, de séquelles physiques et psychiques. Et la pandémie de COVID-19 n’a pas fait exception. Dans une étude publiée dans The Lancet Public Health, la première et une des seules, en France et en Europe, à avoir estimé, parmi les populations en situation de grande précarité, la proportion de personnes infectées, Thomas Roederer et ses collègues avaient confirmé que la circulation du virus avait été particulièrement active dans les situations où la promiscuité était la plus forte, c’est-à-dire quand la personne doit partager chambre, douche et cuisine avec plusieurs autres personnes.
Effectuée par MSF, l’Institut Pasteur et Epicentre entre le 23 juin et le 2 juillet 2020, cette étude avait porté sur 818 personnes au sein de quatorze lieux d’intervention de l’ONG en région parisienne. Les taux de séroprévalence détectés variaient entre 18 et 94% selon les sites : de 23 à 62% au sein des centres d’hébergement d’urgence, 18% et 35% dans les deux sites de distribution alimentaire, et 82% et 94% dans les deux foyers de travailleurs.
Quels facteurs limitent l’accès à la vaccination pour les populations en grande précarité ?
En décembre Epicentre a lancé une nouvelle enquête à Paris, en Seine-Saint-Denis, en Seine-et-Marne, dans le Val d’Oise et à Marseille pour évaluer le niveau de couverture vaccinale contre le COVID-19 dans les populations migrantes, sans-domicile et les gens du voyage. « Cette enquête doit nous permettre de comparer le niveau de couverture vaccinale dans les sites de distribution alimentaire pour personnes sans-abris, les centres d’hébergement d’urgence/hôtels, les campements, les foyers de travailleurs, à la rue par rapport au niveau estimé dans la population générale du même territoire, précise Thomas Roederer, épidémiologiste à Epicentre et investigateur principal de l’étude.
Pour cette étude descriptive transversale multicentrique réalisée en partenariat avec Santé Publique France, Médecins Sans Frontières, Médecins du Monde, la Croix Rouge Française, l’Observatoire du Samu Social, Interlogement 93 et l’ARS Ile de France, 3800 personnes vivant dans la rue, en campement, squats ou bidonvilles, en centres d’hébergements ou en hôtels sociaux, en foyers de travailleurs ou encore en aires de campement de résidences mobiles seront interrogées. « Nous espérons aussi pouvoir identifier les freins mais aussi les leviers de la vaccination en fonction des conditions de vie et d’habitat, détaille Bastien Mollo, superviseur de la phase terrain. Et notre objectif au final est de formuler des propositions pour améliorer la couverture vaccinale et de définir les modes d’interventions appropriées pour cette population. »
En effet la première enquête avait mis à mal une intuition assez partagée, à savoir que les personnes en grande précarité avaient été peu touchées par la pandémie. La précarité, dans toutes ses dimensions, était alors apparue comme un accélérateur d’inégalité face au virus. Quant est-il vis-à-vis de la vaccination ? Cette enquête, en mettant au jour des facteurs limitant ou favorisant l’accès à la vaccination dans les populations en grande précarité, devrait participer à favoriser l’égalité d’accès aux soins et à la prévention en santé. Les résultats de l'enquête sont attendus très prochainement.
En attendant, nous vous invitons à suivre l'une des enquêtrice, Philippine, dans un centre d’hébergement et de réintégration sociale à Paris afin d’écouter et de recueillir la parole de trois femmes y vivant.
crédit photo : Nicolas Guyonnet/MSF