L’espoir d’un traitement simple et toléré pour la forme la plus rare de la maladie du sommeil
Moins courante que la forme Trypanosoma brucei gambiense, responsable de plus de 95 % des cas de maladie du sommeil, la Trypanosome brucei rhodesiense (r-THA) provoque une infection aiguë et est rapidement mortelle si elle n'est pas traitée. La r-THA est présente dans 13 pays d’Afrique de l'Est et d'Afrique australe dont l’Ouganda, le Malawi, la Zambie et le Zimbabwe. Depuis plusieurs années, le nombre de cas de trypanosomiase humaine africaine ne cesse de diminuer. En 2019, 992 cas ont été recensés, ce qui est selon l’OMS, le nombre le plus faible jamais observé.
A ce jour le traitement de la trypanosomiase humaine africaine qui se transmet essentiellement par piqûre d’une mouche tsé-tsé infectée dépend du stade de la maladie : Pendant la première phase, le parasite présent dans le sang provoque de multiples symptômes : fièvre, maux de tête, fatigue, inflammation des ganglions lymphatiques. Le stade avancé se caractérise par une atteinte du système nerveux central, nécessitant alors le recours à des traitements pouvant franchir la barrière hémato-encéphalique pour atteindre le parasite. Six molécules sont actuellement utilisées dans le traitement de la trypanosomiase dont 4 pour les stades avancés.
Trouver une thérapeutique moins toxique
Après avoir reçu un avis favorable de l’agence européenne du médicament (EMA) en 2018, le fexinidazole figure parmi les molécules pour traiter les deux stades de la forme T.b. gambiense de la maladie. Facile d’utilisation, ce médicament oral pris pendant 10 jours permet de réduire significativement les hospitalisations et le nombre de ponctions lombaires.
En 2019, le DNDi a donc lancé un essai pour évaluer l’efficacité et l’innocuité de cette molécule pour le traitement de la forme T.b. rhodesiense dans les deux pays où elle est la plus fréquente, en Ouganda et au Malawi. Jusqu’à présent la r-THA était traitée par des injections de suramine au stade sans atteinte du système nerveux. Pour les phases neurologiques, on administre du mélarsoprol, un dérivé d’Arsenic. Ce médicament relativement ancien provoque chez 8 % des patients une méningoencéphalite à l’issue fatale pour la moitié d’entre eux.
« Les résultats de cet essai sont attendus en 2023, mais une étape importante vient de se terminer, se réjouit Elisabeth Baudin, statisticienne de l’étude qui travaille à Epicentre, avec la fin des inclusions. »
Fin 2021, 44 patients avaient ainsi pu être traités par le fexinidazole, dont 10 étaient en phase 1 et 34 en phase avancée. Il s’agit désormais de suivre les patients et d’analyser les données. Les autres partenaires de cette étude sont l’IRD, l'Université de Makerere en Ouganda, le ministère de la Santé du Malawi, l’Institut tropical et de santé publique suisse, en Suisse, l'UNHRO (Organisation nationale ougandaise de recherche en santé), et l'IHMT (Institut d'hygiène et de médecine tropicale) à Lisbonne, Portugal.
Maladie rare et longtemps négligée, la trypanosomiase humaine africaine touche des populations parmi les plus vulnérables au monde, d’où l’importance d’avoir accès à un traitement facile d’usage, efficace et entraînant peu d’effets secondaires. Aujourd'hui, on estime à environ 1,5 million le nombre de personnes qui vivent dans des zones où il existe un risque modéré, voire élevé de contracter la forme T.b. rhodesiense. Les attentes sont donc importantes autour du fexinidazole et désormais de l’acoziborole, un traitement oral monodose qui est actuellement en essai clinique de phase II/III dans le traitement de la maladie du sommeil causée par Trypanosoma brucei gambiense en République démocratique du Congo et en Guinée. Ces nouvelles approches innovantes pourraient permettre à terme l’élimination de cette maladie, ce qui fait partie des objectifs définis par l’OMS à l’horizon 2030.
Crédit photo @Marizilda Cruppe