Comment simplifier la prise en charge de la malnutrition sévère ?

Mardi 15 mars 2022
Malnutrition
Introduction
Malgré les améliorations dans la prise en charge de la malnutrition aiguë sévère chez les enfants, la couverture des programmes de traitement reste faible. L'éloignement des centres de soins ambulatoires et l’investissement élevé que cela représente pour les soignants constituent des obstacles majeurs. Il est donc urgent d'identifier des modèles plus simples et plus acceptables. Un essai clinique mené au Nigeria par Epicentre a révélé que, bien qu'un suivi hebdomadaire des enfants pris en charge soit préférable, un suivi mensuel peut être envisagé dans les contextes où un suivi plus fréquent est infaisable.
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malnutrition Nigeria
Corps éditorial

Selon un rapport UNICEF/WHO/World Bank Group*, la malnutrition aiguë sévère (MAS) touche chaque année au moins 13,6 millions d'enfants de moins de 5 ans dans le monde. Elle est en outre associée à une augmentation significative de la mortalité et de la morbidité. Ces dernières années, les crises nutritionnelles prennent des proportions alarmantes dans plusieurs pays dont le Niger et le Nigéria du fait de la diminution des récoltes et de l’insécurité croissante, soulignant d’autant plus le besoin de modèles de soins alternatifs pour améliorer la couverture, le coût et la performance des programmes.

Une prise en charge décentralisée…

La prise en charge communautaire de la malnutrition aiguë (CMAM) repose sur une prise en charge à domicile des enfants souffrant de malnutrition aiguë sévère (MAS) sans complications par un agent de santé, les soins hospitaliers étant réservés à la stabilisation des cas avec complication. Pour la majorité des enfants sans complications médicales, une visite hebdomadaire dans un centre de soins ambulatoire permet d'assurer une surveillance clinique et de distribuer des rations alimentaires thérapeutiques prêtes à l'emploi (RUTF) – à base de pâte d'arachide, lait en poudre, huile végétale et mélange de minéraux et de vitamines – contenant tous les nutriments nécessaires à la récupération nutritionnelle. Ce modèle s'est révélé à la fois efficace sur le plan clinique, avec des taux de récupération élevés et une faible mortalité, et réalisable sur le plan programmatique.

… à améliorer pour garantir un meilleur accès

Cependant, selon les estimations de l'UNICEF/OMS*, seuls 37% des enfants qui ont besoin d'un traitement le reçoivent. L'éloignement des centres de soins ambulatoires et l’investissement associé à ces visites fréquentes constituent l’un des obstacles majeurs à l'accès au traitement.

Un essai clinique mené à Sokoto, au Nigeria, a récemment évalué si le suivi pouvait passer des visites hebdomadaires standard aux visites mensuelles. L'étude a révélé que, dans la mesure du possible, un calendrier hebdomadaire de visite clinique est préférable pour maintenir l'efficacité du traitement de la malnutrition aiguë sévère. Lorsque la couverture géographique des programmes est faible ou que les déplacements fréquents vers les cliniques sont difficiles ou impossibles, un calendrier de visites mensuelles peut constituer un modèle alternatif pour fournir un traitement aux enfants qui en ont besoin. Par ailleurs, des modifications du calendrier de suivi ambulatoire, par exemple, des visites hebdomadaires à la clinique jusqu'à ce que le gain de poids initial soit atteint, suivies de visites mensuelles, pourraient accroître l'efficacité du modèle et ajouter de la souplesse au programme. Cet essai croisé randomisé en grappes s'est déroulé de janvier 2018 à novembre 2019 et a inclus 3 945 enfants âgés de 6 à 59 mois provenant de 10 centres de santé de Sokoto, au Nigeria. Dans 5 centres, un suivi mensuel était proposé, tandis que dans les 5 autres centres, le suivi était hebdomadaire. L'essai s’est fait en partenariat avec l'école de santé publique Harvard T.H. Chan, le bureau de nutrition de l'État de Sokoto, l'UNICEF, l'Université de Floride et le centre opérationnel MSF - Amsterdam et a été financé par la Fondation Children's Investment Fund.

La récupération nutritionnelle était moindre et plus longue chez les enfants suivis mensuellement. Le risque de mortalité entre le moment de l'admission dans le programme et 3 mois après sa sortie était plus élevé dans le groupe de suivi mensuel. Cependant le suivi mensuel semble très bien accepté par les agents de santé, ce qui entraîne moins d’abandon du programme.

Avec l'aggravation de l'insécurité alimentaire dans de nombreux pays, le nombre d'enfants ayant besoin de programmes de nutrition va augmenter, faisant de l'identification de modèles alternatifs pour améliorer la couverture, le coût et la performance de la gestion de la malnutrition aiguë sévère une priorité urgente.

 

* UNICEF. NutriDash: Facts and Figures—Nutrition Programme Data for the SDGs (2015–2030). In: UNICEF [Internet] 2020 [cited 2021 Aug 27]. Available from: https://www.unicefnutridash.org.

crédit photo : Harrison Fortune/MSF

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Référence de l'article: PLoS medicine 2022 Mar ; 19(3); e1003923. doi: 10.1371/journal.pmed.1003923. Epub 2022 03 01
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