Malnutrition : sur quel critère admettre les enfants dans les centres de nutrition thérapeutique ?
Chaque année, de juillet à octobre, la combinaison de la période de soudure et de la saison des pluies provoque un pic du nombre d'enfants souffrant de malnutrition aiguë et de paludisme dans le sud du Niger. Depuis la crise alimentaire de grande ampleur de 2005, la prévention et le traitement de la malnutrition infantile ont beaucoup progressé au Niger mais des centaines de milliers d'enfants continuent d'être affectés.
Cette année, au flux de patients du Niger s’ajoute la venue les enfants malnutris vivant dans les états voisins du Nigeria. De nombreuses familles nigérianes se tournent en effet vers le système de santé du Niger pour obtenir des soins vitaux. Depuis de nombreuses années, Médecins Sans Frontières travaille en partenariat avec le ministère de la Santé pour gérer le lourd fardeau de la malnutrition aiguë dans la région.
Au-delà de la réponse d’urgence en cours à Maradi, il semble plus que jamais nécessaire de développer des campagnes de prévention contre ces pathologies et de mettre en œuvre des solutions innovantes et adaptées pour identifier les enfants souffrant de malnutrition
Déterminer les seuils d’alerte de la malnutrition aiguë sévère.
Epicentre et MSF œuvrent depuis des années à améliorer la prise en charge des enfants atteints malnutrition aiguë sévère et à réduire le risque de mortalité associé. Depuis 2007, la prise en charge de la malnutrition aiguë sévère consiste à combiner un traitement ambulatoire avec des aliments thérapeutiques prêts à l'emploi pour les cas sans complications cliniques et un traitement hospitalier pour la stabilisation des cas avec complications cliniques. Ce modèle efficace a permis de sauver des millions d'enfants. L’une des difficultés est d’identifier les enfants ayant besoin d’intégrer un tel programme. Depuis 2009, l'Organisation mondiale de la santé (OMS) recommande l'utilisation d'un score de poids pour la taille (WHZ) < - 3 et/ou d'une circonférence du milieu du bras (MUAC) < 115 mm comme critères anthropométriques d'admission dans les programmes de nutrition thérapeutique.
En raison de sa simplicité, de son faible coût d’une part, l’utilisation du MUAC seule est envisagée. Cela simplifierait les processus d'admission dans les centres nutritionnels thérapeutiques tout en améliorant la couverture du programme.
Les équipes de la section espagnole de Médecins Sans Frontières (MSF) ont eu recours au MUAC comme seul critère d'admission et de sortie dans le programme nutritionnel thérapeutique pour les malnutritions aiguës sévères non compliqués à Madaoua, au Niger, en 2018-2019. Les équipes d’Epicentre ont ainsi pu comparer les résultats entre le programme standard utilisant WHZ et/ou le MUAC comme critères d'admission et de sortie versus le MUAC seul. Le programme basé sur le MUAC seul a utilisé un seuil de < 120 mm, plus élevé que le seuil standard de < 115 mm, pour l'admission afin d'augmenter sa sensibilité. Les enfants inclus dans le programme MUAC uniquement étaient plus petits et plus souvent rachitiques, mais présentaient moins de morbidités à l'admission.
Cette étude a révélé que le modèle de soins basé uniquement sur le MUAC a été associé à un taux de guérison plus élevé et à un taux de défaillance plus faible que le programme standard avec très peu d'enfants exclus du traitement.
Ces premiers résultats sont en faveur de la poursuite de l’évaluation de ce programme basé uniquement sur le MUAC, car il peut faciliter le dépistage et augmenter l'accès au traitement. Des études complémentaires sont nécessaires pour déterminer comment la fin du programme peut également être basée uniquement sur les données du MUAC.
Continuer à améliorer la prise en charge des enfants souffrants de malnutrition aiguë sévère est plus que jamais une priorité au vu de la situation actuelle au Niger.
crédit photo : Damaris Giuliana