Vers un diagnostic de la tuberculose plus simple chez les personnes vivant avec le VIH
La tuberculose est la première cause de mortalité par maladie infectieuse dans le monde. Selon l’OMS, chaque année 10 millions de personnes sont diagnostiquées et 1,5 million décèdent. Un quart des nouveaux cas surviennent sur le continent africain où la tuberculose se répand d’autant plus rapidement que la proportion de personnes vivant avec le VIH est élevée.
Tuberculose et VIH : un duo pernicieux
Être infecté par le VIH et malade de tuberculose sonne un peu comme une double peine. Le VIH diminue les défenses immunitaires et « ouvre la porte » à d’autres infections. Les personnes infectées par le VIH ont jusqu’à 30 fois plus de risque de développer une tuberculose. 250 000 personnes dans le monde seraient décédées d’une tuberculose associée au VIH en 2018.
« Malheureusement trop de personnes ne savent pas qu’elles sont malades de tuberculose, » déplore Helena Huerga, épidémiologiste à Epicentre et responsable des projets de recherche sur la tuberculose.
Et sans diagnostic, pas de traitement. D’où l’urgence de développer des tests fiables et accessibles pour cette population.
Diagnostiquer la tuberculose : un défi
« Les diagnostics moléculaires automatisés tels que le Xpert MTB/RIF font preuve d’une bonne performance, explique Helena Huerga, mais en raison de leur coût, du besoin en électricité et de l’infrastructure de laboratoire nécessaire, ils sont peu disponibles dans certains milieux à ressources limitées où, par conséquent, le diagnostic repose encore souvent sur l’analyse des crachats par microscopie. »
Par conséquent, la mise au point et l’évaluation de tests plus faciles à utiliser représentent un enjeu pour améliorer la prise en charge des patients et leur proposer un traitement plus rapidement. Les derniers nés dans ce domaine consistent à analyser dans des échantillons d’urine un antigène, indicateur de la présence de la mycobactérie à l’origine de la tuberculose. Le prélèvement d'urine constitue en outre une alternative pour les personnes VIH séropositives très malades parfois incapables de produire des crachats. « Nous avons dans un premier temps évalué le test AlereLAM, rappelle Helena Huerga. Malgré la sensibilité limitée de ce test, son utilisation permet de commencer un traitement antituberculeux immédiatement après un résultat positif et de réduire la mortalité chez les patients hospitalisés. » Aujourd’hui, AlereLAM est recommandé pour le diagnostic de la tuberculose chez les personnes VIH séropositives présentant des symptômes de tuberculose.
FujiLAM : Un test plus sensible en évaluation
Entre temps, d’autres tests à priori plus sensibles ont été développés. Ainsi Epicentre a lancé une étude pour évaluer le test FujiLAM qui peut détecter des concentrations d’antigènes 30 fois inférieures à celles d'AlereLAM. « Une première étude utilisant des échantillons d'urine congelés a révélé une sensibilité avec le FujiLAM de 70 % chez les patients VIH séropositifs hospitalisés, détaille l’épidémiologiste. Dans cette étude, la sensibilité du FujiLAM était supérieure de 28 % à celle de l'AlereLAM. » Ces premiers résultats laissent entrevoir une possible amélioration du diagnostic de la tuberculose chez les patients VIH séropositifs.
Financée par l’ANRS et Médecins Sans Frontières, l’étude a inclus deux types de population en ambulatoire :
- des patients VIH séropositifs présentant des symptômes de tuberculose
- des patients VIH séropositifs atteints d'une maladie VIH avancée et ne présentant aucun signe ou symptôme de tuberculose.
Environ 1500 patients ont été recrutés dans quatre sites où les prévalences de VIH et de tuberculose sont élevées :
- l'hôpital régional de référence de Mbarara en Ouganda,
- l'hôpital du district de Homa Bay au Kenya,
- le centre de santé Alto Maé à Maputo au Mozambique,
- la clinique Eshowe Gateway et l’hôpital de district à Eshowe, KwaZulu-Natal, en Afrique du Sud.
« Les premières analyses révèlent une sensibilité avec le FujiLAM de 60 % chez les patients VIH séropositifs avec un diagnostic de tuberculose confirmé contre 40 % avec l'AlereLAM, détaille l’épidémiologiste. La sensibilité du FujiLAM est supérieure à celle de l'AlereLAM. » Ces premiers résultats laissent entrevoir une possible amélioration du diagnostic de la tuberculose chez les patients VIH séropositifs.
Une autre partie de l’étude a porté sur sa faisabilité et son acceptabilité auprès des techniciens de laboratoire, des infirmières, des cliniciens et des agents de santé communautaires qui l'effectuent mais aussi des patients. La mise en œuvre du test FujiLAM est décrite par les utilisateurs comme réalisable dans les infrastructures existantes et le test est bien accepté. En ce qui concerne la perception des patients à son égard, les résultats de l'étude montre que le prélèvement d'urine est bien toléré et préféré aux crachats par les patients.
Le test FujiLAM qui peut être réalisé au moment et sur les lieux de soins des patients, d’où son nom en anglais de « point-of-care » a donc permis de détecter une proportion considérable de patients atteints de tuberculose tout en étant bien accepté par les personnels chargés de le réaliser et les patients. Son implémentation devrait donc faire figure de progrès pour le diagnostic de la tuberculose.
Pour en savoir plus les performances diagnostiques et la facilité d'utilisation du FujiLAM
Mieux diagnostiquer pour mieux traiter
Le diagnostic ouvre la voie au traitement en l’absence duquel l’issue peut rapidement être fatale. Il consiste généralement en l’association de 4 antibiotiques pendant 6 mois. Mais ce traitement reste long et de plus en plus de formes résistantes émergent. Plusieurs projets d’envergure associant Epicentre, Médecins Sans Frontières et d’autres partenaires sont en cours pour mettre au point de nouvelles stratégies thérapeutiques pour traiter la tuberculose.