Comment délivrer efficacement leurs traitements contre le VIH aux communautés itinérantes de pêcheurs en Ouganda ?

Lundi 8 novembre 2021
VIH
Introduction
Les traitements contre le VIH sont d’autant plus efficaces s’ils sont pris conformément aux prescriptions. Adapter la délivrance aux modes de vie des personnes vivant avec le VIH fait désormais partie des enjeux pour contribuer à la maîtrise de l’épidémie dans le monde. Une étude d’Epicentre, coordonnée par Jihane Ben Farhat et déployée par Carol Liu, pour MSF vise à déterminer le mode de délivrance le plus efficace et le mieux accepté pour les communautés de pêcheurs itinérantes autour des lacs George et Edward en Ouganda.
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Ouganda Pêcheurs
Corps éditorial

La donne a légèrement changé ces dernières années, en ce qui concerne les traitements contre le VIH : aujourd’hui les enjeux résident entre autres dans la lutte contre l’apparition de résistance aux traitements antirétroviraux (ARV), dans l’accès aux tests pour évaluer la charge virale, mais aussi dans des modes de délivrance des traitements et des soins en adéquation avec les modes de vie des personnes vivants avec le VIH, qu’ils s’agissent d’enfants, d’adolescents, des populations itinérantes, marginalisées…

A chaque personne vivant avec le VIH, son mode d’accès aux ARV

Depuis 2015, l’OMS appuie le développement des modèles dits de prestation différenciée de services pour la délivrance des traitements antirétroviraux. Ils consistent en un modèle centré sur la personne qui adapte les soins et les traitements pour que les patients puissent mener une vie normale. Dans certaines situations, ces approches permettent aux patients dont la maladie est contrôlée d'obtenir plusieurs mois de traitement par ARV en une seule fois, au lieu de visites mensuelles, ce qui réduit les périodes d’interruption des ARV et la charge sur le système de santé. Depuis 2017, le ministère de la Santé ougandais a commencé à proposer ces modèles de prestation de services différenciés auprès de certaines populations.

MSF soutient le déploiement de ces modèles de délivrance dans 3 districts en Ouganda. Parmi les populations suivies par les équipes de MSF se trouvent des communautés de pêcheurs qui se déplacent le long des lacs George et Edward à la recherche des bancs de poissons. Une enquête de séroprévalence menée en 2016 par Epicentre au sein de cette population a mis en évidence qu’une part importante de la population des personnes vivant avec le VIH était déjà diagnostiquée et sous traitement (respectivement 86% et 78%). Cependant, le taux de suppression de la charge virale, un des indicateurs clés dans la prise en charge des patients, n’était que de 67% et ce, très certainement en raison d’un mauvais suivi du traitement.

Evaluer les modes de délivrance

« La mobilité des communautés de pêcheurs limite l’accès aux sites de délivrance des ARV et semblent être le principal obstacle à l’observance du traitement, explique Jihane Ben Farhat, investigatrice principal de l’étude.

Depuis 2017, les équipes de MSF appuient le Ministère de la Santé dans les prestations différenciées de services auprès des personnes vivant avec le VIH, plus particulièrement sur deux des cinq prestations que le Ministère de la Santé a mis en place : soit le renouvellement rapide avec une collecte d'ARV pour 3 à 6 mois dans les établissements de santé, soit la délivrance de l’ARV par une personne au sein d’un groupe de six qui se relaient tous les mois pour aller chercher les traitements. » Ces deux modes de délivrance facilitent l’accès aux ARV.

Ainsi, comme en témoigne une jeune femme de 25 ans, qui fait partie d’un groupe de six personnes se relayant pour la délivrance : "Même quand je suis occupée, je suis sûre de recevoir des médicaments, contrairement à d'autres modes d’approvisionnement où l'on perd toute la journée à aller les chercher ; désormais, les médicaments arrivent à moi, apportés par des pairs. En outre, si vous êtes absent, il suffit d'un appel pour qu'un membre du groupe vous livre les médicaments à votre porte".

Reste à savoir lequel de ces deux modèles est le plus efficace et le mieux accepté par cette population. Carol Liu, épidémiologiste, a mis en suspens son doctorat pour se rendre en Ouganda et veiller au bon déroulement de cette étude. Il s’agit dans un premier temps de déterminer la proportion de personnes ou de groupes de personnes éligibles qui choisissent l’un ou l’autre modes de délivrance, de déterminer s'il existe des différences entre les personnes qui ont choisi un modèle par rapport à l'autre. L’étape suivante portera sur l’évaluation des résultats cliniques du maintien dans les soins à 6 et 12 mois en fonction du modèle et de la charge virale à 12 mois. La dernière étape consistera à recueillir les témoignages des patients et à comprendre leur expérience et leur perception vis-à-vis des deux modèles. « C’est seulement au vu de l’ensemble de ces données qu’il sera possible d'évaluer l’efficacité et l'acceptabilité de ces deux stratégies de distribution des ARV auprès de ces communautés et ainsi documenter les meilleures pratiques » rappelle Carol Liu. Rendez-vous d’ici quelques mois pour les premiers résultats.

Bien que de grands progrès dans la lutte contre l'épidémie de VIH aient eu lieu ces dernières années, certaines populations en raison de leur mode vie sont encore trop souvent laissées pour compte. Une approche unique de la prise en charge des personnes vivant avec le VIH ne suffit plus, elle doit désormais être adaptée aux besoins de chaque patient et les modèles de soins doivent aller à la rencontre des gens là où ils se trouvent. « Mais il est important d’évaluer ces modes de délivrance en fonction du mode de vie des communautés concernées afin de s’assurer de leur efficacité et de nous permettre d’améliorer la prise en charge des personnes vivant avec le VIH, conclut Jihane Ben Farhat.

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