Ebola : Des pistes pour prédire les personnes les plus à risque de développer la maladie

Mardi 22 novembre 2022
Ebola
Introduction
Les premiers symptômes qui apparaissent chez les personnes contaminées par le virus Ebola, sont très similaires à ceux des autres maladies endémiques des régions touchées par des épidémies de cette fièvre hémorragique. Alors comment distinguer les personnes qui ont contracté le virus Ebola des autres ? Est-ce qu’il existe des signes plus distinctifs que d’autres ? Une étude parue dans The Lancet Infectious Disease dresse les bases d’un algorithme pour définir le risque de développer Ebola chez les personnes avec des signes cliniques qui laissent présager une infection par ce virus.
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Ebola Triage
Corps éditorial

Dans la course contre la montre qui s’engage face à une épidémie d’Ebola, l’identification précoce des personnes à risque d’avoir contacté le virus Ebola est l’une des clés pour augmenter leurs chances de rétablissement et contrôler la propagation du virus.

Les analyses des précédentes épidémies…

Une collaboration entre le Programme national des urgences et des actions humanitaires, du ministère de la Santé de la République démocratique du Congo (RDC), l’INRB de Kinshasa et Epicentre a permis d’explorer les données de plus de 24 000 personnes suspectées de la maladie entre le 1er août 2018 et le 28 août 2019 lors de l’épidémie d’Ebola qui a sévi en RDC. C’est la plus grande cohorte ayant permis une analyse comparative entre des patients Ebola et des patients qui avaient été suspectés de la maladie mais se sont avérés négatifs pour le virus. Elle a permis de définir deux groupes de patients correspondant à deux stades de la maladie : la période précoce, avec une symptomatologie non spécifique, et une période plus tardive (à partir du jour 3 de la maladie) où des symptômes plus spécifiques et avec une meilleure valeur prédictive de la nature de l’infection.

« Quand un patient se présente pour des soins dans sa phase symptomatique précoce, c’est-à-dire dans les 3 premiers jours après l’apparition des symptômes (jour 0-Jour 2), le risque d’être positif à la maladie à virus Ebola est davantage associé au fait d’avoir été exposé à la maladie qu'à des signes cliniques. L’exposition peut avoir lieu sous la forme de contact avec des patients Ebola connus, ou une participation à des funérailles ou des consultations dans des établissements de santé en particulier chez des soignants informels, qui assurent une certaine confidentialité aux malades, mais appliquent rarement des mesures de prévention adéquates, explique Denis-Luc Ardiet, épidémiologiste à Epicentre. Si un patient se présente 3 jours ou plus après le début de sa maladie, certains symptômes deviennent alors prédictifs et sont précieux pour les travailleurs de santé pour évaluer le risque de maladie Ebola : les vomissements, la diarrhée, la conjonctivite, les maux de gorge, les problèmes de déglutition, et des signes plus tardifs comme les saignements lors d'une injection ou au niveau des gencives. Ce qu’il faut retenir de notre étude, c’est l’importance d’établir la date d’apparition de la maladie pour prédire les malades les plus à risque d’avoir contracté Ebola parmi de nombreux patients qui présentent chacun une combinaison complexe de symptômes, mais qui pour la plupart, souffrent d’autres maladies plus courantes. »

Il apparaît donc crucial de déterminer à la fois le moment exact où les symptômes sont apparus, mais aussi les antécédents d'exposition pour évaluer le risque d'infection. Le contact avec une personne contaminée par le virus Ebola reste le facteur prédictif le plus important de la maladie, indépendamment de la symptomatologie du patient, en particulier dans les deux premiers jours après l'apparition des symptômes. Mais cela reste parfois difficile à établir.

… servent à établir un algorithme de triage…

A partir de ces analyses, il a pu être établi un score de prédiction pour classer les patients à « bas risque d’infection », à « risque modéré » ou à « haut risque ». « Pour ces derniers, les équipes des centres de santé ou des hôpitaux peuvent prendre des mesures immédiates d’isolement pour mettre en sécurité les autres malades, de diagnostic par test PCR, de prise en charge du malade et de suivi de ses contacts. Cette réponse précoce devrait permettre de limiter la transmission et d’améliorer le pronostic des malades, » ajoute Denis-Luc Ardiet.

Les patients à « bas risque » quant à eux, ne peuvent pas être considérés comme totalement sans risque de développer la maladie et un suivi doit être mis en place avec si nécessaire un test. Toutefois leurs symptômes évoquent le plus souvent une sévérité et un pouvoir infectieux moindres.

 

Concrètement cela nécessite la mise en place de procédures efficaces de triage dans les établissements de santé ordinaires. Le personnel doit évaluer d’une part, les expositions possibles lors de l'évaluation d'un patient et d’autre part, la date où les premiers signes de la maladie sont apparus et les symptômes qui se sont manifestés depuis. La relation de confiance avec les patients est dans cette perspective, très importante.

… et à confirmer le bienfondé de la vaccination

Cette épidémie a aussi été l’une des premières à voir l’utilisation généralisée du vaccin Ervebo (qui cible la souche Zaïre d’Ebola) pour réduire les risques d’infection des contacts proches et leurs contacts ainsi que du personnel de santé. Parmi les 1950 patients atteints de la maladie d’Ebola, 309 déclaraient avoir été vaccinés.

« On a toutefois constaté une moindre gravité des symptômes et une charge virale – [NDLR une quantité de virus dans l’organisme] – moindre que les patients non vaccinés, ce qui confirme l’efficacité de ce vaccin » déclare Denis-Luc Ardiet.  

Cette étude en contribuant à améliorer la définition des cas d’Ebola et la compréhension de la maladie devrait permettre de réduire la pression qu’exerce une épidémie d’Ebola sur les systèmes de santé. Avec la mise en œuvre de cet algorithme de triage, les soignants peuvent se focaliser sur les patients à risque élevé et intermédiaire. En plus de réduire les délais d’attente des résultats, cette distinction des malades limiterait aussi le nombre de personnes en isolement, améliorant d’autant l’adhérence des populations aux mesures de contrôle sanitaire dans leur ensemble.

 

crédit photo : Caroline Thirion/MSF

Lire la publication

Differential symptomology of possible and confirmed Ebola virus disease infection in the Democratic Republic of the Congo: a retrospective cohort study.

Référence de l'article: The Lancet. Infectious diseases 2022 Nov 09; . doi: 10.1016/S1473-3099(22)00584-9. Epub 2022 11 09
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