GASTROSAM : Une nouvelle approche pour traiter les enfants malnutris et déshydratés

Mercredi 18 septembre 2024
Malnutrition
Introduction
L'étude GASTROSAM cherche à démontrer qu'une nouvelle approche pour traiter les enfants souffrant de malnutrition sévère et de déshydratation est non seulement possible, mais doit être sérieusement envisagée. En comparant deux protocoles de réhydratation par voie intraveineuse aux protocoles standards de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) pour la réhydratation (qui évitent la voie intraveineuse sauf en cas d’urgence absolue), les chercheurs espèrent améliorer significativement les résultats cliniques et la santé de ces jeunes patients vulnérables.
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Magaria Niger
Corps éditorial

Les liens entre malnutrition et maladies diarrhéiques sont complexes et interdépendants, aggravant de manière synergique la santé des enfants touchés.

Malnutrition et maladie diarrhéique : un cycle vicieux

Selon le Dr San Maurice Ouattara, coordonnateur Epicentre de l'étude au Niger, « la diarrhée entraîne une perte de nutriments cruciaux, ce qui aggrave l’état nutritionnel de l’enfant, tandis que la malnutrition affaiblit les défenses immunitaires, augmentant le risque d'infections intestinales graves. »

En conséquence, les enfants malnutris et avec des diarrhées souffrent souvent de déshydratation sévère et d'infections secondaires. Une étude réalisée au Kenya a mis en évidence que les enfants hospitalisés pour malnutrition aiguë sévère (MAS) présentent dans plus de 50% des cas des complications liées à la diarrhée, associées à un pronostic défavorable, avec un taux de mortalité de 21% (contre 9% chez les enfants sans diarrhée) (1).

Une réhydratation efficace reste une priorité urgente pour ces enfants. Actuellement les recommandations de l’OMS pour la réhydratation dans ce contexte suscitent des débats en raison de leur caractère conservateur. Le recours aux fluides intraveineux (IV) est réservé aux situations de choc. En outre que cela soit par IV ou par voie orale, seules les solutions pauvres en sodium sont recommandées.

L'étude GASTROSAM explore des solutions prometteuses utilisant des solutions isotoniques pour améliorer les soins des enfants malnutris, s'appuyant sur des études préliminaires menées en Ouganda. Ces solutions, déjà utilisées pour les enfants non-malnutris, pourraient offrir une réhydratation plus efficace et sans effets nuisibles pour les enfants malnutris aussi.

GASTROSAM : Faire évoluer les soins pour les enfants malnutris et déshydratés

Cette étude est dirigée par Pr Peter Olupot Olupot, sous la coordination du KEMRI-Wellcome Trust Research Programme. Le Medical Research Council du Royaume-Uni finance sa mise en œuvre au Kenya et en Ouganda, tandis que MSF Belgique la soutient au Nigeria et au Niger. Dans ce dernier pays, elle est supervisée par le centre d’Epicentre au Niger, en étroite collaboration avec MSF Suisse qui appuie le ministère de la Santé Publique dans la prise en charge hospitalière des enfants à Magaria. Présent à Magaria depuis 2005, MSF Suisse s’attache à renforcer les capacités de l'unité de pédiatrie de l'hôpital de district en fournissant personnel et formations. 

Dans le cadre du projet GASTROSAM, deux questions sont soulevées concernant les stratégies de réhydratation pour les enfants souffrant de MAS et de déshydratation. La première question, identifiée sous le nom de GASTROSAM-A, se penche sur la meilleure stratégie de réhydratation pour les enfants atteints de MAS avec déshydratation sévère. Pour y répondre, les enfants éligibles à l’étude, dont les parents ont donné leur consentement éclairé, sont répartis aléatoirement en trois groupes et reçoivent l’une des trois interventions suivantes :

  1. Le protocole standard recommandé par l’OMS, basé sur une réhydratation orale avec l'utilisation de fluides intraveineux uniquement en cas de choc.
  2. Une réhydratation intraveineuse similaire à celle administrée à un enfant présentant une déshydratation sévère sans malnutrition.
  3. Le même volume de fluide que dans le protocole précédent, mais administré lentement sur une période de huit heures.

« Si l’option 2 permet de stabiliser rapidement l’état du patient, l’option 3 pourrait réduire les risques de complications liées à une réhydratation trop rapide », commente San Maurice Ouattara.

La deuxième question, désignée sous le nom de GASTROSAM-B, s’intéresse à la stratégie de réhydratation pour les enfants atteints de MAS avec une déshydratation modérée. Les enfants peuvent être admis soit directement dans cette partie de l’étude, soit passer de GASTROSAM-A à GASTROSAM-B suite à l’amélioration de leur état. Deux stratégies sont comparées : soit une réhydratation orale avec Resomal, une solution pauvre en sodium actuellement recommandée par l’OMS pour les cas de déshydratation modérée chez les enfants avec MAS, soit une réhydratation orale avec une solution de réhydratation orale (SRO) standard, utilisée habituellement pour un enfant présentant une déshydratation modérée sans MAS.

Ces deux volets de l’étude visent à déterminer les stratégies les plus efficaces et les plus sûres pour la réhydratation des enfants souffrant de malnutrition aiguë sévère, répondant ainsi à un besoin crucial en matière de soins pédiatriques dans des contextes de santé précaires.

En comparant diverses stratégies de réhydratation – qu'il s'agisse de la voie d'administration, du débit ou de la concentration en sodium – les chercheurs espèrent améliorer la santé et les soins prodigués à ces enfants vulnérables. L'étude GASTROSAM devrait représenter une avancée cruciale pour identifier les meilleures pratiques de réhydratation et transformer la gestion clinique des enfants malnutris et déshydratés confrontés à des risques élevés de complications graves.

Cette étude pourrait à terme servir à redéfinir les recommandations de l’OMS et améliorer considérablement la prise en charge de ces enfants vulnérables.

 

  1. Talbert A, Thuo N, Karisa J, Chesaro C, Ohuma E, Ignas J, Berkley JA, Toromo C, Atkinson S, Maitland K: Diarrhoea complicating severe acute malnutrition in Kenyan children: a prospective descriptive study of risk factors and outcome. PLoS One 2012, 7(6):e38321.

 

crédit Photo : Hassia Usman/MSF

Malnutrition Magaria

Hassia Usman (30 ans) a amené deux de ses quatre enfants à l'hôpital de district de Magaria, soutenu par MSF, pour qu'ils y soient soignés. Les deux garçons - Kakiriyaou Shapiou (7 mois) et Saguiou Shapiou (2 ans) - ont été admis pour paludisme et malnutrition. L'aîné souffre en outre d'une diarrhée sévère. La photo ne montre que la mère et son cadet, Zakiriyaou Shapiou. Bien que la famille dispose de suffisamment de nourriture, les deux enfants ont souffert de malnutrition. La famille vit à Farfari, un village situé à environ 50 km de Magaria.

Copyright: Lena Pflüger/MSF

 

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