La stimulation psychosociale, un atout pour les enfants malnutris et leur entourage

Lundi 25 novembre 2024
Malnutrition Stimulation psychosociale
Introduction
La malnutrition aiguë, seule ou combinée à d'autres pathologies, demeure l'une des principales causes de mortalité infantile au Mali. L’étude StimNut, menée dans cette région, a montré les bénéfices, tant pour les enfants que pour leur entourage, d'une intervention innovante : l’intégration de la stimulation psychosociale aux soins nutritionnels existants dans les centres de santé et les hôpitaux pédiatriques. Forte de ces résultats, l'intervention devrait bientôt être étendue à d'autres contextes similaires, au Mali et au-delà.
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Stimulation psychosociale au Mali
Corps éditorial

Au Mali, bien que la stimulation psychosociale soit recommandée dans le protocole national de prise en charge de la malnutrition aiguë, son intégration systématique dans les soins nutritionnels reste limitée. Plusieurs contraintes, telles que le manque de temps du personnel de santé, de ressources et l'absence d'un protocole standardisé détaillant les actions spécifiques à entreprendre, freinent sa mise en œuvre.

Cette approche, complémentaire aux soins nutritionnels et aux traitements médicaux des enfants malnutris, consiste à proposer des séances de stimulation psychosociale pour l’accompagnant principal, le plus souvent la mère, et l’enfant. Plusieurs études ont démontré que la stimulation psychosociale précoce des nourrissons a des effets bénéfiques, à court et à long terme, sur le développement cognitif et social de l’enfant, souvent compromis en cas de malnutrition.

L'étude StimNut, menée à Koutiala, a cherché à évaluer la faisabilité et l'acceptabilité d’une intervention de stimulation psychosociale auprès des enfants âgés de 6 à 23 mois souffrant de malnutrition aiguë sévère (MAS). S’inspirant d’une approche initialement développée au Népal par Action contre la Faim (ACF), cette intervention a été adaptée au contexte malien avec la participation active des familles, du personnel de santé et des décideurs locaux.

Des résultats prometteurs pour les enfants et les familles

Au total, 149 séances de stimulation psychosociale ont été offertes à 36 familles, animées par trois travailleuses psychosociales (TPS) formées et supervisées. Les mesures effectuées avant et après l’intervention, ainsi que les observations et entretiens avec les bénéficiaires et le personnel de santé ont révélé des améliorations significatives à différents niveaux.

L’amélioration du bien-être des accompagnantes

Au niveau individuel, la santé mentale des accompagnantes a été amélioré. L’étude a mis en évidence une réduction notable des symptômes de dépression périnatale chez les mères, passant de 53 % avant l’intervention à 28 % après. De plus, il a été constaté une amélioration du bien-être des accompagnantes ainsi qu’un développement et un gain de confiance dans les compétences parentales.  

Une mère partage ainsi « Je suis heureuse aujourd’hui. Le jour où je suis arrivée au centre de santé, j’étais comme une malade, étant donné que si une femme est heureuse c’est parce que son enfant l’est aussi. (…) Même la simple respiration était difficile pour moi le jour de mon arrivée au centre de santé, j’étais tout le temps agitée. Les sessions m’ont permis d’être relaxe. »

Amélioration de la relation entre les accompagnantes et leurs enfants

Des changements positifs dans la relation mère-enfant ont été observés chez 83 % des participantes, marqués par le développement ou le renforcement de pratiques liées à la communication avec l’enfant et à la démonstration de l’affection plus fréquentes et adaptées. Après l’intervention, les accompagnantes étaient plus nombreuses à exprimer leur plaisir à partager des activités quotidiennes avec leurs enfants, telles que le bain, les repas ou les moments de jeux, comme le témoigne cette mère de 30 ans :

« Je n’avais pas la moindre idée que l’enfant devait jouer avec sa maman. Cet enfant sera différent de mes autres enfants car il aura mes affections. Mes autres enfants ne savent même pas que je suis leur maman. Nous ne jouons pas ensemble. J’ignorais tout cela. »

Amélioration des liens familiaux

L’intervention psychosociale a également favorisé une plus grande participation des autres membres de la famille, notamment des pères et des grands-mères, dans les soins apportés aux enfants, créant ainsi un environnement plus favorable à leur développement :

« Depuis que le papa a commencé à jouer avec lui, à lui parler et à donner des petits cadeaux, l’enfant est tellement intéressé par son papa, vraiment, cela m’a beaucoup plu », a confié un membre du personnel soignant interrogé.

Certaines mères ont également rapporté avoir transmis des connaissances et compétences parentales acquises ou renforcées au cours de l’intervention à leur entourage (maris/pères, coépouses, belles sœurs, voisines, etc.). Certaines ont même accompagné d’autres femmes de leur ménage dans l’adoption de nouvelles pratiques de soin, renforçant leur sentiment de légitimité.

Une approche appréciée par le personnel de santé

Le personnel de santé a également souligné les bienfaits de cette approche, qui a contribué à renforcer les relations entre soignants et accompagnantes. Certaines attitudes initialement méfiantes des accompagnantes envers les TPS, parce qu’elles proposaient une approche nouvelle, ont évolué vers des attitudes positives, où les TPS étaient perçues comme des alliées.

« Je me disais que je me retirerais dès la première session car je ne croyais pas en ce qu’ils disaient (…). J’avais décidé de me retirer dès la première session parce que je n’avais pas compris. C’est après la première et la deuxième session que je me suis rendu compte que c’était important » a partagé une accompagnante.

De plus, l’intervention a contribué à déconstruire certains préjugés que le personnel soignant pouvait avoir à l’égard des mères d’enfants souffrant de MAS. Au sein des structures de soin, les résultats ont montré une amélioration de la prise en charge des enfants MAS avec une acquisition par les agents de santé de connaissances en stimulation psychosociale, un gain de temps pour les cliniciens grâce à des accompagnantes plus sereines et une meilleure compréhension de la maladie de leurs enfants ainsi qu’une meilleure adhésion au traitement.

Vers un déploiement plus large

L’intégration de cette approche, alliant soutien psychosocial aux soins nutritionnels s’est avérée efficace et acceptée par les mères, le personnel de santé et les travailleuses psychosociales. Fort de ces résultats prometteurs, le projet StimNut est en cours de déploiement à plus grande échelle au sein de MSF-France, avec des perspectives d’extension dans des contextes voisins. « Pour réussir cette mise en œuvre à plus grande échelle, nous prévoyons de développer une boite à outil à disposition des terrains, qui permettrait de reproduire l’intervention dans d’autres contextes » explique Claire Bossard, responsable de l’étude. Cette approche sera conduite de manière participative, avec l’aide des acteurs de terrain pour qu’elle puisse répondre au mieux à leurs besoins et réalités.

 

© StimNut Mali Elijah Musinguzi

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