Pneumocoque : Une étude révèle l'efficacité des doses fractionnées du vaccin Pneumosil® pour protéger les enfants. Quel impact en termes d’accès au vaccin ?

Lundi 28 octobre 2024
Pneumocoque
Introduction
Dans une étude récente menée au Niger et financée par EDCTP*, Epicentre a évalué l'impact et la faisabilité de campagnes de vaccination de masse avec une dose unique et une dose fractionnée du vaccin pneumococcique 10-valent, pour lutter contre les infections à pneumocoques. Les résultats de l’étude en faveur de l’usage des doses fractionnées pourraient faciliter l’accès à ce vaccin dans les pays à revenu faible ou intermédiaire où la faible couverture vaccinale peut nécessiter des campagnes de masse ou en situation d’urgence humanitaire. Entretien avec le Dr Issaka Soumana, responsable de l’étude au Niger sur les principaux résultats de cet essai clinique et leurs implications en termes de santé publique.
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Issaka Soumana
Corps éditorial

Pouvez-vous nous donner un bref aperçu de l'étude et de ses objectifs ?

Issaka Soumana : Notre étude visait à évaluer l'efficacité des campagnes de vaccination de masse utilisant des doses complètes et fractionnées du vaccin pneumococcique 10-valent, PCV10, pour réduire le portage de bactéries pneumococciques chez les enfants, et donc réduire la transmission des sérogroupes vaccinaux. Nous avons mené cette recherche dans 63 "grappes" constituées par 75 villages du département de Madarounfa dans la région de Maradi au Niger, en ciblant les enfants âgés de 1 à 9 ans. L'objectif principal était de déterminer si l'utilisation d'une dose fractionnée lors de campagne de masse pouvait offrir une protection similaire à celle de la dose complète, ce qui contribuerait à accroître l'accessibilité du vaccin et à réduire les coûts.

Quels sont les risques liés à l’infection à pneumocoques ?

Issaka Soumana : L'infection est causée par une bactérie appelée Streptococcus pneumoniae ou pneumocoque qui touche principalement les jeunes enfants, les personnes âgées et les personnes souffrant de maladies chroniques ou suivant un traitement qui affaiblit leurs défenses immunitaires. Cette bactérie peut provoquer des infections graves telles que la méningite, des septicémies et le plus souvent des infections pulmonaires. Le pneumocoque est la cause la plus fréquente de pneumonie grave et de décès liés à la pneumonie dans le monde. Chaque année dans le monde, des millions de cas de maladies pneumococciques surviennent, touchant environ 3 millions d’enfants et provoquant environ 500 000 décès (1).

Et quels sont les moyens de préventions ?

Issaka Soumana : Les trois vaccins conjugués antipneumococciques (PCV) préqualifiés par l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) – Prevenar®(PCV13 de Pfizer) , Synflorix® (PCV10 de GSK) et  PNEUMOSIL® (PCV10 du SII) - sont très efficaces pour prévenir les infections causées par le Streptococcus pneumoniae. Leur introduction a considérablement réduit le portage de la bactérie. Leur disponibilité dans les pays à faible revenu - 73 pays à la fin de 2019 (2) – facilitée par l’Alliance mondiale du vaccin, GAVI, a permis leur déploiement malgré leurs coûts élevés. L'homologation en 2019 du vaccin Pneumosil®, commercialisé par le Serum Institute of India, a changé la donne en raison de son coût réduit (2USD/dose) par rapport aux autres PCV, bien qu’il reste toutefois l’un des vaccins les plus chers dans les Programmes Elargis de Vaccination (PEV).

Cependant, des défis subsistent pour les pays à revenu intermédiaire non éligibles au dispositif GAVI et pour les campagnes massives de rattrapage, non couverte par cette alliance.

Quels sont les moyens à disposition au Niger pour prévenir les infections à pneumocoques ? et quelles sont leur conséquences/impacts ?

Issaka Soumana : Depuis 2014, le Niger bénéficie du dispositif GAVI et a introduit le vaccin contre le pneumocoque, un PCV-13, dans son Programme élargi de Vaccination, avec 3 doses destinées aux nourrissons à 6, 10 et 14 semaines d’âge.

Malgré les efforts de l’Etat nigérien et des partenaires, les résultats en termes de couverture restent à améliorer. En 2019, la couverture vaccinale administrative dans la région de Maradi pour les 3 doses était estimée à 48% (3). Cette couverture relativement faible n’exclut pas un portage élevé pouvant s’étendre à des groupes d’âges plus avancés, nécessitant des campagnes de masse.

Pouvez-vous nous en dire plus sur votre étude ? et ses principaux résultats ?

Issaka Soumana : Les résultats sont assez prometteurs. Nous avons mené à un essai randomisé en "grappes", divisant les villages en trois groupes : le premier a reçu une dose complète de PCV10, le deuxième a reçu un cinquième de la dose complète et le troisième n'a bénéficié d'aucune campagne de vaccination. Nous avons prélevé des échantillons nasopharyngés sur les enfants six mois avant et après la campagne pour mesurer la présence de bactéries pneumococciques.

Avant la vaccination, la présence de bactéries pneumococciques était similaire dans tous les groupes : 15,6 % dans le groupe ayant reçu la dose complète, 17,9 % dans le groupe avec la dose fractionnée et 18,8 % dans le groupe contrôle. Après la vaccination, ces taux ont chuté à 4,6 % dans le groupe ayant reçu la dose complète et 8 % dans le groupe ayant reçu une dose fractionnée, tandis que le groupe témoin n'a connu qu'une réduction modeste à 16,5 %. L’étude a ainsi montré la non-infériorité des campagnes avec des doses fractionnées par rapport à celles avec une dose complète, suggérant que les doses fractionnées peuvent être efficaces pour accélérer l’immunité collective.

Pouvez-vous nous parler des implications pratiques de la mise en œuvre des campagnes de masse de vaccination ? et de l’apport des doses fractionnées dans ce contexte ?

Issaka Soumana : Même avec l’introduction des vaccins antipneumococciques dans la vaccination de routine des nourrissons, il peut s'écouler de nombreuses années avant que l'ensemble de la population ne soit protégé. On le constate d’ailleurs au Niger, où la couverture vaccinale demeure encore faible dans certaines régions. Des études ont suggéré que des campagnes de vaccination de masse pourraient accélérer l’obtention d’une immunité collective. Cependant, de telles campagnes peuvent être coûteuses et limitées en termes de quantité de vaccins disponibles. Les doses fractionnées pourraient alors faciliter leur déploiement, mais c’est surtout dans les contextes d’urgence humanitaires, où il est nécessaire de vacciner massivement des populations déplacées que l’approvisionnement et le coût des vaccins représentent un frein. Dans ces situations, le recours exceptionnel à l'utilisation de doses fractionnées pourrait intervenir pour protéger un plus grand nombre d'enfants, offrant ainsi une solution viable.

 

*European and Developing Countries Clinical Trials Partnership

  1. https://www.thelancet.com/journals/langlo/article/PIIS2214-109X(18)30247-X/fulltext
  2. https://www.who.int/teams/health-product-policy-and-standards/standards-and-specifications/vaccine-standardization/pneumococcal-disease
  3. Administration coverage based on UNICEF immunization data https://data.unicef.org/topic/child-health/immunization/
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Légende
Campagnes de vaccination de masse avec des doses fractionnées de PCV10 (Pneumosil®) | Issaka Soumana

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Centre de recherche au Niger

Epicentre dispose d’un centre de recherche à Maradi au Niger. Ce centre au cœur de l’Afrique sub-saharienne permet d’apporter des ...

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