Soudan : Situation nutritionnelle alarmante dans le camp de Zamzam, au Darfour du Nord

Lundi 5 février 2024
Introduction
Face aux taux de mortalité et de malnutrition alarmants révélés par une évaluation d’Epicentre dans le camp de Zamzam, au Darfour du Nord, MSF appelle à une mobilisation urgente et massive de la communauté internationale pour sauver des vies.
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Camp da Zamzam, Soudan @MSF
Corps éditorial

Une évaluation rapide de la nutrition et de la mortalité réalisée par Epicentre et Médecins Sans Frontières (MSF) révèle une situation catastrophique dans le camp de Zamzam, au Darfour Nord, depuis le début du conflit au Soudan en avril 2023. Tous les seuils d'urgence pour la malnutrition ont été atteints et MSF appelle à une intensification immédiate, coordonnée et rapide de la réponse humanitaire afin de sauver des vies. L'action des agences de l'ONU et des ONG internationales - qui n'ont maintenu qu'une présence limitée au Darfour Nord depuis leur évacuation en avril - est vitale pour y parvenir. Des distributions de nourriture et d'argent sont nécessaires de toute urgence. Les soins de santé, l'approvisionnement en eau et l'assainissement sont également essentiels.

Une situation catastrophique

Avec l'aide d'Epicentre, une évaluation rapide de nutrition et la mortalité a pu être réalisée dans le camp de Zamzam du 10 au 13 janvier 2024, après avoir été reportée en raison de la menace imminente d'une attaque sur El Fasher en novembre. Elle a porté sur 400 ménages et sur un échantillon de population de 3 296 personnes.

Près d'un quart des enfants inclus dans l'évaluation souffre de malnutrition aiguë, dont 7 % de malnutrition aiguë sévère (MAS). Chez les enfants âgés de six mois à deux ans, les chiffres étaient encore plus alarmants, avec près de 40 % de cette tranche d'âge souffrant de malnutrition, dont 15% de MAS. Le taux de malnutrition aiguë global (GAM) qui combine la malnutrition modérée et sévère combinée, dépasse largement le seuil d'urgence de 15 % déterminant qu'une action urgente doit être prise.

Le nombre total de décès par jour dans le camp était également extrêmement alarmant. Pour évaluer la mortalité, il a été demandé aux membres des familles si l'un d'entre eux était décédé au cours des trois mois écoulés depuis le 1er octobre, ce qui a permis d'obtenir un taux de mortalité brut de 2,5 pour 10 000 personnes par jour, soit plus du double du seuil d'urgence. 40 % des femmes enceintes et allaitantes souffraient de malnutrition, ce qui est un autre indicateur de la gravité de la situation.

Afin d'éviter de nouvelles pertes humaines et de réduire les souffrances, MSF va augmenter rapidement sa réponse dans le camp pour fournir un traitement aux enfants dont l'état est le plus critique. Cependant, l'ampleur de la catastrophe nécessite une réponse plus large que celle que MSF peut apporter seule.

« Ce que nous voyons dans le camp de Zamzam est une situation absolument catastrophique », déclare Claire Nicolet, responsable de la réponse d'urgence de MSF au Soudan. Nous estimons qu'il y a environ 13 enfants qui décèdent chaque jour dans le camp, soit au moins un enfant toutes les deux heures. Les enfants souffrant de malnutrition sévère risquent fort de mourir dans les trois à six semaines s'ils ne sont pas pris en charge rapidement. Ils peuvent être traité s'ils peuvent se rendre dans un centre de santé. Mais beaucoup ne le peuvent pas. »

MSF est le seul prestataire de soins opérationnel dans le camp de Zamzam - l'un des plus grands et des plus anciens camps de personnes déplacées de tout le Soudan - et sa petite clinique est débordée par le nombre de patients et la gravité de leur état. Au cours des neuf derniers mois, le système de santé déjà fragile du Nord-Darfour - et l'ensemble de la réponse humanitaire - s'est effondré, et cette clinique est l'un des rares centres de santé ambulatoires du Nord-Darfour à être pleinement fonctionnel. Les gens se déplacent à pied ou à dos d'âne depuis des villages situés jusqu'à 50 km du camp pour avoir accès aux soins de santé, campant la nuit devant la clinique pour avoir une chance d'obtenir un traitement pour leurs enfants.

« Avant le début du conflit en avril de l'année dernière, les habitants du camp dépendaient fortement de l'aide internationale pour la nourriture, les soins de santé, l'eau potable - tout. Aujourd'hui, ils ont été presque complètement abandonnés, explique Claire Nicolet. Le PAM n'a pas distribué de nourriture depuis le mois de mai. Alors que les familles avaient l'habitude de prendre deux repas par jour, elles nous disent qu'elles n'en prennent plus qu'un. Les gens souffrent de la faim et les enfants en meurent ».

Les conditions dans le camp sont atroces : outre l'absence de soins de santé, à l'exception de la clinique de MSF, il n'y a plus d'approvisionnement en eau potable. Les gens boivent l'eau des marécages ou de la rivière, ce qui peut provoquer de graves diarrhées. Pour les enfants qui souffrent déjà de malnutrition, cela peut être fatal. De même, elle peut entraîner la malnutrition chez les enfants en bonne santé et provoquer une détérioration rapide de leur état de santé.

« De nombreux facteurs ont contribué aux niveaux élevés de malnutrition observés. Janvier est une période où la malnutrition devrait être au plus bas, car les récoltes ont généralement lieu en décembre et les stocks de nourriture devraient au plus haut. Mais au cours de l'année écoulée, les gens n'ont pas pu s'occuper de leurs cultures en raison de l'insécurité. A cela s’ajoute une production agricole inférieure à la moyenne en raison de la faible pluviométrie. Le pic habituel de malnutrition devant encore avoir lieu - entre avril et septembre - nous nous attendons à ce que le nombre déjà très élevé de cas que nous voyons aujourd'hui augmente considérablement au cours des prochains mois ».

Avant avril 2023, le système de santé au Darfour Nord était soutenu par les agences des Nations Unies PAM, UNICEF, OIM, OCHA. Cette aide s'est brusquement arrêtée, les routes et les voies aériennes d'approvisionnement étant gravement entravées. Le personnel ne reçoit plus de salaires, les équipements et les médicaments manquent, tout comme le carburant pour les générateurs, l'eau et d'autres fournitures nécessaires au fonctionnement des établissements de santé. Les programmes de lutte contre la malnutrition, autrefois déployés à El Fasher, la capitale de l'État, sont inexistants. Il n'y a plus aucun endroit dans la ville où les gens peuvent se rendre pour obtenir des soins de santé primaires pour leurs enfants. Il est urgent que les parties en conflit rouvrent l'aéroport d'El Fasher et veillent à ce qu'il reste accessible une fois opérationnel, afin que les acteurs humanitaires puissent rapidement revenir et apporter leur soutien aux populations, non seulement dans le camp de Zamzam, mais aussi dans tout le Darfour-Nord.

MSF est actuellement la seule organisation internationale à fournir des soins médicaux pédiatriques gratuits dans les cinq États du Darfour, une région grande comme la France. L'hôpital pédiatrique ne dispose que de 78 lits pour une population de plus de 11 millions d'habitants, ce qui est insuffisant pour répondre à l'ampleur de cette catastrophe.

«Chaque jour, des enfants sont transférés du camp de Zamzam à l'hôpital pédiatrique d'El Fasher pour tenter de sauver leur vie, explique Claire Nicolet. Mais nous savons, grâce à l'évaluation de la mortalité, que des centaines d'enfants ne parviennent même pas jusqu'à notre clinique dans le camp. Il est encore possible d’éviter que la situation se détériore davantage grâce à une mobilisation massive de la communauté internationale. Nous ne pouvons pas rester les bras croisés et laisser les gens continuer à souffrir en silence. Il est urgent d'intensifier l'action, faute de quoi d'autres enfants mourront, ce qui aurait pu être évité. »

 

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