COVID19 et vaccination chez les personnes en grande précarité : la double peine

Lundi 4 avril 2022
COVID-19
Introduction
En partenariat avec Santé Publique France, Epicentre a mené la 1ère étude en Europe sur l’accès à la vaccination chez les sans-abris, migrants et réfugiés. Les personnes vivant dans la rue, dans des squats ou des bidonvilles, en centres d’hébergement ou en foyers de travailleurs sont moins vaccinées que la population générale en France. A cela, il faut ajouter que plus les individus sont mal logés, moins ils sont vaccinés. Ainsi, 70 à 86 % des personnes hébergées dans le Dispositif d’Hébergement Pérenne, en hôtels sociaux ou en Foyer avaient reçu au moins une dose de vaccin en décembre 2021, alors que ce n’était le cas que d'une personne sur deux vivant dans la rue.
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Corps éditorial

Entre novembre et décembre 2021, Epicentre a mené une enquête pour évaluer le niveau de couverture vaccinale contre le COVID-19 dans les populations précaires en Ile-de-France et à Marseille. C’est la 1e étude au monde fournissant des données en population réelle, preuve que les plus précaires n’ont été au cœur d’aucune stratégie vaccinale. Pour cette étude réalisée en partenariat avec Santé Publique France et Médecins du Monde, 3 811 personnes ont été interrogées en face-à-face sur leur lieu de vie, que ce soit dans la rue, en campement, squat ou bidonville, en centre d’hébergements ou en hôtel social, en foyer de travailleurs ou encore en aire d’accueil de gens du voyage.

Les plus précaires, les moins vaccinés

« Selon notre enquête, 74,5 % des personnes interrogées avaient reçu au moins une dose de vaccin contre 90 % dans la population générale à la même période, note Thomas Roederer, responsable de l’étude et épidémiologiste à Epicentre. Cette proportion sensiblement inférieure à celle de la population générale cache des réalités assez différentes. Pour les personnes hébergées dans le Dispositif d’Hébergement Pérenne, en hôtel dit du 115 ou en Foyer, la primo-vaccination varie de 70 % à 86 %. En revanche, elle n’est plus que de 44 % chez les personnes à la rue en IDF, et chute même à 20 % parmi les sans-abris à Marseille. » Le gradient d’intégration sociale et de précarité va ainsi de pair avec le gradient de vaccination : plus la personne est exclue et à l’écart du ‘système’, moins elle a accès à la première dose de vaccin.

Vacciner par obligation

Quant aux raisons qui ont poussé à la vaccination, deux tiers des participants évoquent la protection qu’elle soit personnelle, pour autrui, ou en général. Cependant 44% d’entre-deux admet s’être fait vacciner par obligation et majoritairement pour le pass sanitaire (24 %) ou pour le travail. Comme l’explique cette résidente d’un foyer de travailleur « On n’a pas le choix, parce que je travaille. Et comme j’avais deux enfants malades de la drépanocytose, je suis obligée de me vacciner pour protéger mes deux enfants malades […] j’avais vraiment peur je m’inquiétais ». la mise en place d’un dispositif de sensibilisation ou facilitant la vaccination dans les sites d’hébergement a permis de multiplier respectivement par 3,4 et 2,7 la probabilité de recevoir le vaccin.

Chez les précaires qui sont hébergés, les personnes plus âgées, faisant confiances aux autorités, informées par des professionnels, et un peu moins influencées par l’avis des proches ou de la communauté sont plus vaccinées que les jeunes, les personnes en bonne santé, les personnes mal informées ou « dés-informées ». « On constate que les précaires les plus « « insérés socialement » ont eu accès à l’information et se sont fait vacciner, explique Bastien Mollo, superviseur de la phase terrain. Pour les plus précaires, les lacunes en termes d’information ont été partiellement comblées par les ONG et les associations. Les tiers de confiance ont joué un rôle majeur dans l’incitation à la vaccination. »

Adapter les stratégies au public

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Presque la moitié des participants déclarent avoir eu peur au moment de la première injection ou avoir actuellement peur pour les non-vaccinés. Comme le souligne une résidente en foyer de travailleurs, « tant que je ne serai pas sûre, j’ai envie d’attendre un ou deux ans de voir […] c’est pas que j’ai pas confiance, c’est que je sais pas […] je suis pas parano, je ne dis pas que c’est un coup monté, mais il faudrait qu’il rassure plus les gens. » 27% des personnes interrogées considèrent toutefois que le vaccin est inutile et inefficace et 54% des non-vaccinés, soit 10% du total des participants, déclarent qu’ils ne se feront jamais vacciner.

« Tout comme les vaccinés, les non-vaccinés ne forment pas un groupe uniforme. Il s’agit pour la plupart de sceptiques et pour les personnes à la rue, la vaccination contre le COVID est loin d’être une priorité. Pour les plus précaires, la sensibilisation et la communication autour des vaccins doivent être adaptées. Il faut par exemple impliquer le plus possible les tiers de confiance, qu’il s’agisse des travailleurs sociaux, des bénévoles associatifs, des professionnels de santé, du médecin traitant, des juristes ou des interprètes et privilégier les stratégies « d’aller-vers » pour les publics les plus à l’écart du système, comme les personnes à la rue ou les personnes migrantes récemment arrivées. » recommande Thomas Roederer.

Si dans l’ensemble la stratégie vaccinale nationale a plutôt bien fonctionné auprès des précaires hébergés, seule une personne sur deux à la rue était vaccinée au moment de l’enquête. Ce constat montre la nécessité de favoriser beaucoup plus l’intégration des sans-abris et migrants dans le système, en leur facilitant l’accès aux soins, aux droits, aux services sociaux, en les accompagnant davantage. Et pourquoi pas les reloger tous, comme le font la Norvège et la Finlande, avec succès ?

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Pour cette étude co-réalisée avec Santé Publique France, Prospective et Coopération, Epicentre tient à remercier

  • les Partenaires opérationnels pour l’accès aux populations : la RATP, Unité d’Assistance aux Sans-Abris (UASA) de la Ville de Paris, France Terre D’Asile, Médecins du Monde, Emmaüs Solidarité, le SAMU Social de Paris et Observatoire du SAMU Social, Solidarités Internationale, FNASAT – Gens du Voyage (et associations partenaires), Croix-Rouge Française, ADOMA, ADEF, Coallia
  • les partenaires pour le partage de données et le soutien administratif et/ou opérationnel) : APUR, DIHAL, ARS d’Ile de France, DRIHL et Médecins Sans Frontières
  • Et les financeurs : Sponsors: ANRS-MIE (Capnet), SPF, ARS-IDF, SPILF, MSF

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