Fièvre typhoïde : efficacité de la vaccination de masse chez les enfants de moins de 15 ans au Zimbabwe
Le Zimbabwe est régulièrement en proie à des épidémies de fièvre typhoïde. Cette infection, causée par la bactérie Salmonella typhi, se propage principalement par de l'eau ou des aliments contaminés. Dans la capitale, Harare, près de la moitié des cas surviennent chez des enfants de moins de 15 ans et 70 % des cas se produisent dans des banlieues densément peuplées où les conditions d'hygiène sont mauvaises.
En réponse à l'augmentation préoccupante des cas observés depuis 2017, le ministère zimbabwéen de la Santé a décidé de mener une campagne de vaccination de masse auprès des populations à haut risque. Entre le 25 février et le 4 mars 2019, une dose de Typbar-TCV® (vaccin conjugué contre la typhoïde) a été administrée aux personnes âgées de six mois à 15 ans dans neuf zones à haut risque autour de Harare. Dans une banlieue particulière, Mbare, où les jeunes adultes ont également été largement touchés, la vaccination a été étendue aux personnes jusqu'à 45 ans. Au total, 85 % des personnes appartenant aux groupes d'âge ciblés ont ainsi été vaccinées. "Par rapport aux autres vaccins, ce vaccin conjugué, préqualifié par l'OMS en 2017, semble conférer une immunité plus durable et peut être administré aux enfants dès l'âge de 6 mois", explique Maria Lightowler, épidémiologiste à Epicentre. Il s'agissait de la première campagne de vaccination de masse menée en Afrique, nous avons donc mené une étude cas-témoins pour estimer l'effet protecteur de ce vaccin contre les formes symptomatiques chez les moins de 15 ans mais aussi chez les moins de 45 ans en conditions réelles." Jusqu'à présent, les données sur l'efficacité n’avaient été obtenues que dans le cadre d'essais cliniques ou dans les pays asiatiques.
L'étude étant menée en situation réelle, les cas confirmés de fièvre typhoïde ont été appariés par âge, sexe et résidence ou quartier à deux groupes de témoins recrutés au niveau des centres de santé ou de la communauté afin d'estimer l'efficacité du vaccin.
"On s'attendait à ce que l'efficacité du vaccin soit plus faible que dans les essais cliniques, où elle peut atteindre 85%, explique Maria Lightowler. Chez les individus âgés de six mois à 15 ans, cette étude a révélé une efficacité de 75 % par rapport aux témoins des centres de santé, et de 84 % par rapport aux témoins communautaires. Chez les individus âgés de six mois à 45 ans, l'efficacité était de 46 % par rapport aux témoins des centres de santé, et de 67 % par rapport aux témoins communautaires."
Au-delà de son efficacité, le vaccin permet-il de lutter contre la résistance aux antibiotiques ?
Une dose de vaccin Typbar-TCV® est donc efficace pour protéger les enfants âgés de six mois à 15 ans contre la fièvre typhoïde dans ce contexte. En revanche, l'effet est plus faible dans l’étude incluant les adultes, très probablement en raison d'une immunité naturelle acquise lors d'exposition antérieure. Cette étude confirme l'efficacité de la vaccination de masse en situation réelle, dans le contexte africain, y compris en réponse à une épidémie. La durée de la protection conférée par ce vaccin reste à évaluer, ce qui pourrait faire l'objet d'une étude complémentaire. Mais ce n'est pas la seule étude envisagée par l'épidémiologiste. Au-delà du bénéfice de la prévention, l'autre avantage de la vaccination pourrait être de réduire la résistance au traitement antibiotique de première intention utilisé pour traiter la fièvre typhoïde. A ce jour, cette résistance après introduction du vaccin n'a pas été documentée à Harare, mais elle est préoccupante, car elle est de plus en plus souvent observée. "Nous aimerions donc pouvoir étudier si la vaccination a un impact sur la résistance", explique Maria Lightowler. En effet, elle réduit le nombre de personnes qui doivent être traitées avec des antibiotiques et donc cela pourrait limiter l'apparition de la résistance.
Pour l'instant, cette deuxième partie de l'étude n'a pas encore commencé, mais les premiers résultats suggèrent d’ores et déjà que le vaccin pourrait être une des armes pour lutter contre les épidémies récurrentes dont souffre le Zimbabwe depuis plusieurs, ce qui représente un espoir car chaque année, selon l'OMS, on dénombre 11 à 21 millions de nouveaux cas et 128 000 à 161 000 décès.
©Charmaine Chitate/MSF