Lutter contre le cancer du sein au Mali, un défi possible
🟣 Les défis majeurs de la lutte contre le cancer du sein au Mali
Taux de survie à 3 ans du cancer du sein extrêmement faible (12,69% vs 52% au Ghana) selon une étude menée en 2015 (2)
Une offre de soins oncologiques très limitée : cinq oncologues, quatre radiothérapeutes et six anatomopathologistes pour plus de 22 millions d’habitants (3, 4)
Un seul appareil de radiothérapie, souvent en panne.
- Accès restreint aux analyses histochimiques et aux laboratoires d’anatomopathologie.
- Diagnostic généralement établi à un stade avancé et beaucoup de formes agressives (tumeurs triple négatives et de haut grade) (5, 6)
🟣 Les actions de MSF pour soutenir la prise en charge du cancer du sein au Mali depuis 2018
- Soutien aux soins palliatifs et au dépistage précoce.
- Rénovation d’un laboratoire d’anatomopathologie.
- Adaptation des protocoles aux ressources disponibles.
- Formation du personnel de santé et sensibilisation des femmes.
🟣 Une étude observationnelle rétrospective sur la cohorte de femmes atteintes de cancer du sein prises en charge avec le soutien de MSF
Cinq ans après le lancement du « Projet Oncologie », cette implication de MSF a aussi permis à Epicentre d’effectuer une étude observationnelle rétrospective en examinant les dossiers médicaux des femmes atteintes de cancer du sein prises en charge avec le soutien de MSF, ce qui est essentiel pour analyser finement leur parcours de soins, évaluer la survie en fonction de divers facteurs, identifier les disparités ou besoins spécifiques, et définir des actions ciblées pour améliorer leur prise en charge et leur qualité de vie.
🟣 Résultats clés de l’étude
- Diagnostic souvent tardif : 77% des patientes au stade avancé (III-IV) du cancer du sein au moment du diagnostic
- Survie globale à 1, 2 et 3 ans : 91%, 80% et 72% — parmi les plus élevées en Afrique subsaharienne.
- Doublement des diagnostics précoces entre 2019 et 2022 (de 15% à 26,5%).
- 57% des patientes n’ont pas eu d’analyse histologique ; parmi celles analysées, 54,4% avaient un cancer dit triple négatif, difficile à traiter.
L’association chimiothérapie – chirurgie était l’option de traitement la plus fréquente (42,7%), suivie de la chimiothérapie (39,3%).
Chez les patientes diagnostiquées à un stade avancé, la survie était significativement améliorée (p < 0,05) lorsque plusieurs modalités thérapeutiques étaient combinées — notamment la chimiothérapie, la chirurgie et, lorsque possible, la radiothérapie.
🟣 Ce que cette étude démontre
Une prise en charge oncologique multidisciplinaire, personnalisée et adaptée est possible, même dans des contextes à faibles ressources.
Leçons à tirer
L’étude met en lumière plusieurs leviers essentiels pour améliorer la prise en charge du cancer du sein au Mali :
- Renforcer le diagnostic précoce : par la formation du personnel de santé et la sensibilisation des femmes, afin d’augmenter les chances de survie.
- Promouvoir une prise en charge multidisciplinaire : l’association de plusieurs modalités thérapeutiques (chimiothérapie, chirurgie, radiothérapie) améliore significativement les résultats.
- Améliorer l’accès aux analyses histochimiques : indispensables pour adapter les traitements aux profils biologiques des patientes.
Développer l’offre de radiothérapie : aujourd’hui limitée à un seul appareil, souvent hors service.
Pistes de recherche à explorer
- Mettre en place un suivi à plus long terme : pour mieux documenter la qualité de vie des patientes et affiner les stratégies thérapeutiques.
Évaluer les combinaisons thérapeutiques disponibles : afin de déterminer les associations les plus efficaces en termes de survie, notamment dans les contextes à ressources limitées.
- Comprendre les facteurs génétiques qui pourraient expliquer la forte proportion de cancers triple négatif, particulièrement complexes à traiter.
© Fatoumata Tioye COULIBALY
1- Ferlay J, Ervik M, Lam F, Laversanne M, Colombet M, Mery L, et al. Global Cancer Observatory: Cancer Today [Internet]. Lyon, France: International Agency for Research on Cancer; 2024. https://gco.iarc.who.int/media/globocan/factsheets/populations/466-mali-fact-sheet.pdf
2. Sidibe Y, Ly M, Kayentao K, Kamate B, Sissoko M. Survie des femmes souffrant de cancer du sein au Mali: analyse d'une cohorte de 124 cas pris en charge au Centre Hospitalo-Universitaire du Point G de janvier 2007 à octobre 2010. Rev Malienne Sci Technol [Internet]. 29 déc 2019 [cité 23 juill 2024];(22):66‑79. https://www.revues.ml/index.php/rmst/article/view/1415
3. Schantz C, Diarra I, Traoré A, Traoré BA, Chabrol F, Sogoba S. Radiothérapie et lutte contre les cancers : défis de maintenance de l’unique accélérateur linéaire à l’Hôpital du Mali. Santé Publique [Internet]. 2022 [cité 23 juill 2024];34(3):425‑8. Disponible sur: https://www.cairn.info/revue-sante-publique2022-3-page-425.htm
4. Cellule de planification et de statistique, secteur santé, développement social et promotion de la famille (CPS/SS-DS-PF). Annuaire statistique 2022 des hôpitaux [Internet]. Ministère de la Santé et du Développement Social; Disponible sur: https://files.aho.afro.who.int/afahobckpcontainer/production/files/Annuaire_SIH_2022.pdf
5. Huo D, Ikpatt F, Khramtsov A, Dangou JM, Nanda R, Dignam J, et al. Population differences in breast cancer: survey in indigenous African women reveals over-representation of triple-negative breast cancer. J Clin Oncol Off J Am Soc Clin Oncol. 20 sept 2009;27(27):4515‑21.
6. Ly M, Antoine M, Dembélé AK, Levy P, Rodenas A, Touré BA, et al. High Incidence of Triple-Negative Tumors in Sub-Saharan Africa: A Prospective Study of Breast Cancer Characteristics and Risk Factors in Malian Women Seen in a Bamako University Hospital. Oncology [Internet]. 4 sept 2012 [cité 20 juill 2024];83(5):257‑63. Disponible sur: https://doi.org/10.1159/000341541