Choléra
Choléra : origine et transmission
Le choléra est une toxi-infection entérique épidémique contagieuse due à la bactérie Vibrio choleræ par le sérotype O1 ou O139 de Vibrio cholera. Il se manifeste par une diarrhée aiguë qui peut rapidement évoluer vers la déshydratation et la mort si elle n'est pas traitée. La plupart des patients se rétablissent avec un traitement de réhydratation orale ; cependant, certains nécessiteront d’être rapidement réhydratés par voie intraveineuse. Si l’épidémie est bien prise en charge, la mortalité peut descendre en dessous de 1 % avec un traitement adéquat, mais elle peut grimper à 50 % en l’absence de traitement.
Le choléra est transmis par des aliments ou de l'eau contaminés. Il est possible de prévenir la maladie si l’on peut disposer d’eau salubre, de systèmes d’assainissement corrects et d’une hygiène efficace. Le choléra peut également être contrôlé par la vaccination, avec 2 doses administrées à deux semaines d'intervalle par voie orale.
Le choléra est endémique en Asie du Sud-Est. En Afrique et en Amérique, il provoque des épidémies. Le risque de choléra s’accroît avec l'augmentation constante des populations vulnérables qui vivent dans des conditions insalubres, dans les bidonvilles à structure sanitaires insuffisantes qui ne disposent pas des infrastructures de base, ou en cas de guerre ou de catastrophe naturelle qui anéantissent ces infrastructures. Le choléra touche entre 1,3 et 4 millions de personnes chaque année dans le monde et provoque entre 21 000 et 143 000 décès par an.
Cartographier le fardeau du choléra
Concentrer l’effort au bon endroit
Epicentre et l'Université John Hopkins ont cartographié les régions d’Afrique où le choléra est le plus répandu en utilisant des techniques de modélisation. Les résultats indiquent que la charge que représente la maladie pourrait être réduite de moitié sur le continent africain si les efforts de lutte se concentraient sur à peine 5% de tous les districts d'Afrique. Ces conclusions sont au cœur de la 'Feuille de route mondiale pour le choléra jusqu’en 2030', qui définit les axes stratégiques visant à éliminer la transmission du choléra ainsi que les principaux arguments qui expliquent la nécessité d’investir dans la lutte contre le choléra.
Comprendre les épidémies de choléra
Epicentre apporte un soutien épidémiologique sur le terrain à Médecins Sans Frontières (MSF) pour décrire les épidémies de choléra, leur temporalité, leur localisation et les populations affectées. Epicentre a également développé des modèles pour mieux comprendre la propagation des épidémies de choléra, comme cela a été le cas récemment au Yémen4. Epicentre a montré par des méthodes épidémiologiques spatiales que le choléra se propage en grappes.
Explorer des stratégies d'intervention appropriées
Epicentre explore une stratégie améliorée d'intervention qui permet de planifier des actions sur l’eau potable, l’assainissement et l’hygiène, la vaccination en anneau ainsi que la distribution d'antibiotiques aux personnes vivant sous le même toit. Cette stratégie consiste à contenir les 1ers foyers d’infection. Les premiers résultats observés à Djouba au Soudan du Sud sont encourageants.
Cette stratégie appelée CATI (pour Case-Area Targeted Intervention) est désormais en cours d’évaluation en République démocratique du Congo, au Cameroun et au Zimbabwe pour confirmer son efficacité. Les données actuelles mettent en avant une zone spatio-temporelle à haut risque de 100 à 250 mètres autour des foyers dans lesquels a été détecté un cas pendant 7 jours. Sur la base des politiques nationales, du contexte local et de considérations opérationnelles, MSF décide du contenu du kit CATI à déployer (assainissement de l’eau et mesures d'hygiène au niveau des ménages, recherche active de cas, chimioprophylaxie antibiotique et/ou la vaccination anticholérique orale à dose unique, du rayon d'intervention) et de la stratégie de priorisation à mettre en œuvre. L'étude menée par Epicentre évalue l'efficacité de la stratégie CATI pendant une épidémie aiguë de choléra, avec des mesures clairement définies de l'efficacité des dispositifs CATI. Elle compare l’intervention rapide et la mise en place d’un « kit CATI » par rapport à une actions retardés par des contraintes opérationnelles. Elle estimera aussi la faisabilité, les coûts et le processus de mise en œuvre de cette approche.
Optimiser la détection du choléra pour une intervention plus rapide
La méthode de référence pour le diagnostic est la confirmation en laboratoire par culture ou par la réaction de polymérase en chaîne (PCR) à partir d’échantillons de selles. Or le manque crucial de laboratoire dans les pays où le choléra est endémique entraîne des délais de confirmation extrêmement longs et la plupart des cas ne sont pas testés.
Ces dernières années, des tests de diagnostic rapide (TDR) ont été mis au point pour faciliter le diagnostic directement sur le lieu de soins, sans avoir besoin de recourir à un laboratoire. Plus simple que la PCR ou la culture qui nécessitent du matériel et du personnel qualifié, les TDR ne requièrent aucune compétence particulière et peuvent être réalisés rapidement et facilement. Ils présentent toutefois des limites en termes de précision des résultats et posent encore un certain nombre de questions : peuvent-ils remplacer le test de référence pour identifier une épidémie de choléra ? Leurs résultats sont-ils suffisants pour estimer l'incidence réelle du choléra dans des zones avec des incidences très différentes ? Pour répondre à ces question, Epicentre mène une étude financée par GAVI en RDC. L'objectif principal est d’analyser le système de surveillance actuel sur le terrain et trouver des solutions innovantes pour que le ministère de la santé puisse intégrer les TDR sans trop d'efforts dans la surveillance existante du choléra.
Une étude qualitative est également prévue dans tous les sites afin de recueillir les témoignages des personnels de santé à tous les niveaux sur la faisabilité et la mise en œuvre de l'utilisation des TDR.
A la fin de l'étude, des recommandations devraient pouvoir être émise quant à l’usage des TDR et au choix des stratégies d’échantillonnage selon les contextes, ce qui permettra d'améliorer la surveillance de cette maladie dans tous les pays touchés, et de s'assurer que les mesures préventives telles que la vaccination sont mises en œuvre plus rapidement et sur la base d'éléments concrets.
Vaccination contre le choléra
La vaccination comme outil de santé publique
Avant 2012, le vaccin contre le choléra n’était pas un outil de santé publique mais presque exclusivement un vaccin pour les voyageurs. En 2012, MSF a mené la première campagne de vaccination en Guinée avec le Shanchol, un nouveau vaccin pré-qualifié par l'Organisation mondial de la Santé (OMS). Les études épidémiologiques analytiques et descriptives menées par Epicentre ont démontré la faisabilité d'une telle campagne ainsi que la sécurité, l'efficacité et l'acceptabilité du vaccin. Il s'agit là d'une étape importante qui a contribué à la création d'un stock mondial de vaccins contre le choléra en 2013. Depuis la vaccination est devenue une procédure habituelle de lutte contre les épidémies.
En 2013, un stock mondial de vaccin contre le choléra a été constitué par l’OMS avec le soutien de GAVI en 2013. Or depuis 2021, le choléra connaît une recrudescence mondiale. Ces vagues épidémiques ont entraîné une très forte demande de vaccins, mettant à rude épreuve le stock mondial de ces vaccins. En octobre 2022, la pénurie de vaccins a conduit le Groupe international de coordination (ICG) qui gère le stock de vaccin à recommander une seule dose de vaccin, alors qu’il recommandait depuis longtemps un schéma vaccinal à deux doses.
Comme Il est essentiel d'intervenir rapidement en cas de flambée, et que le calendrier à deux doses ralentit la rapidité de la réponse vaccinale, Epicentre avait étudié la faisabilité du contrôle de la propagation de l'épidémie avec l'administration d'une dose unique. Les résultats de nos études cas-témoins menées en Zambie et au Sud-Soudan indiquent que la protection à court terme offerte par la dose unique est similaire à la protection que confère la double dose.
En avril 2024, l’OMS a préqualifié un nouveau vaccin oral contre le choléra (OCV), Euvichol-S, ce qui devrait permettre au seul fabricant pour le moment de vaccin contre le choléra, EuBiologics, de produire davantage de vaccin.
Définir l’intervalle optimal entre deux doses de vaccins
Les fabricants du vaccin anticholérique oral (VCO) recommandent un intervalle de 7 ou 14 jours entre deux doses. Il n'est pas toujours possible d'effectuer deux cycles de vaccination de masse dans ce délai et de nombreuses campagnes mises en œuvre à ce jour ont utilisé un intervalle plus long. Des données récentes indiquent qu'un intervalle plus long entre les doses de VCO pourrait entraîner des taux de séroconversion équivalents et une meilleure stimulation des réponses immunitaires des muqueuses après la deuxième dose. Epicentre mène actuellement en Guinée un essai d'immunogénicité ouvert, randomisé, contrôlé et de non-infériorité comparant les réponses immunitaires humorales au VCO dans deux bras d'intervention (intervalle de 6 et 12 mois entre les doses de VCO) par rapport à un bras témoin (intervalle standard de 14 jours). L’objectif est de déterminer si la réponse immunitaire humorale est non inférieure entre ces différents schémas d’administration du vaccin oral contre le choléra. Le cas échéant, un intervalle plus long entre les doses pourra alors être considéré comme une alternative à l'intervalle de 14 jours actuellement recommandé.
Epicentre fait partie du groupe de travail sur le vaccin oral contre le choléra de SAGE (groupe stratégique consultatif d'experts sur la vaccination). Epicentre est également membre du Groupe de travail mondial pour la lutte contre le choléra, participe activement à plusieurs autres groupes de travail et préside le groupe de travail sur la surveillance du choléra.
Evaluer les campagnes de vaccination en RDC
Epicentre a lancé au printemps 2021 une étude opérationnelle pour évaluer l’impact d’une campagne préventive de vaccination orale dans des hotspots de choléra en RDC, grâce à un financement du Wellcome, UK AID et Foreign and Commonwealth and Development Office et de manière intégrée aux activités de MSF et avec le soutien du ministère de la Santé de RDC et du Programme National d'Elimination du Choléra et de lutte contre les autres Maladies Diarrhéiques (PNECHOL-MD).L’objectif est de suivre l'incidence du choléra après les campagnes de vaccination préventive pendant au moins deux ans dans une zone rurale et dans une zone urbaine, et de mieux comprendre l’impact du vaccin sur le niveau et les caractéristiques de la transmission de la maladie.
Des résultats préliminaires font état dans la zone urbaine de Goma d’une couverture plus faible que celle attendue à partir des couvertures administratives. Dans les Aires de Santé vaccinées en 2019 et 2020, la couverture pour une dose est de l’ordre de 50% et celle pour deux doses tombe à 13%. La stratégie de vaccination parcellaire en ciblant seulement certaines parties de la ville et pas d’autres, la vaccination en plusieurs étapes et les mouvements de population à Goma ont eu tendance à diluer la couverture vaccinale. En revanche la couverture post-campagne à Bukama est élevée, avec environ 85 % des personnes de plus de 15 ans et près de 90 % des moins de 15 ans ayant reçu au moins une dose, grâce à une stratégie de vaccination bien adaptée au mode de vie de la population.
La combinaison de la surveillance clinique, des enquêtes sérologiques, du suivi des foyers contaminés contribuera également à améliorer la compréhension de la dynamique de la transmission du choléra dans les milieux endémiques et à informer sur les stratégies à mettre en place.
Une 2e phase de cette étude, financée par le Wellcome, vient de démarrer. Elle inclut une évaluation de l'efficacité du vaccin oral contre le choléra par une étude cas-cohorte, une série d’enquêtes multi-indicateurs à Goma et Bukama (couverture vaccinale, incidence cas suspects choléra, mortalité et mouvements de population) et des enquêtes qualitatives pour comprendre les facteurs influençant la couverture vaccinale, comme les raisons de la non-vaccination et les mouvements de population.